Ka odji madjisek, aux origines de la communauté anichinabée de Lac-Simon

Au fil des ans, de nombreuses équipes de hockey et de ballon-balai se sont formées chez les jeunes et moins jeunes de la communauté. Les tournois sont l’occasion de parcourir le territoire et d’aller à la rencontre d’autres nations autochtones.
Photo : Marie-Anne Cheezo
L’exposition en ligne intitulée Ka odji madjisek, qui signifie en anishinaabemowin « Là où ça commence », retrace l’histoire trop peu connue de la communauté autochtone de Lac-Simon, située à moins d’une quarantaine de kilomètres de Val-d’Or en Abitibi-Témiscamingue.
Des témoignages, des photos d’archives, et autant de récits puisant dans la mémoire collective, l’expo se présente sur la toile comme un formidable voyage dans le temps relaté avec les propres mots des aînés de la communauté.
Notre héritage historique prend sa source dans nos traditions orales
, raconte en entrevue Alex Cheezo, intervenant social et membre impliqué dans sa communauté depuis plus de 40 ans.
On s'est malheureusement rendu compte que beaucoup de nos jeunes connaissaient mal ou peu leur histoire. C’est pourquoi on a mis en place cette initiative afin qu’ils puissent lire sur le passé de leurs ancêtres.

Pendant la saison estivale, les Anichinabés en profitaient pour se rassembler dans certains lieux. C’était l’occasion de festoyer, de faire des échanges et de s’unir.
Photo : Société d’histoire de Senneterre
Le projet fait suite à l’exposition présentée en octobre 2021 à Lac-Simon, qui avait d’ailleurs eu un certain succès auprès de la population. Un guide pédagogique et une bande dessinée intitulée Odibi : voyage dans l’histoire anicinabe de Lac-Simon ont également vu le jour. L’ensemble avait été lancé en 2016 par Jean Papatie, personnalité influente de la communauté, aujourd’hui décédée.
Toutes ces différentes propositions ont également l’objectif de nous faire connaître auprès du plus grand nombre, au sein de la société québécoise
, explique Alex Cheezo. Notre présence témoigne d’une histoire ancienne qu’il est important de rappeler.
L’appellation même de Lac-Simon est sujette à un certain nombre d'interprétations. Selon l’une d’elles, le lac qui s’appelait autrefois Cicip Sagigan (lac aux canards) aurait pris le nom de Simon en référence à siamo, qui signifie en anishinaabemowin canard branchu
, une espèce commune en Amérique du Nord.
Puiser dans les racines d'un peuple
L’expo bilingue, en français et en anglais, raconte le récit des Anichinabés sur près d'un siècle avant qu’ils s’établissent près de Lac-Simon. On y apprend leur mode de vie, la transmission de leur savoir-faire et la richesse de leurs traditions ancestrales. Le tout est présenté sans chronologie ni datation puisque comme le rappelle Alex Cheezo, la Première Nation possède sa propre conception du temps.
On invite plutôt les lecteurs par des thématiques diverses qui définissent notre identité
, précise-t-il. Il y a la section sur les saisons, celle sur le territoire (Aki), nos croyances et les noms des lieux dans notre langue.

L’exposition donne la parole aux familles de Lac-Simon, pour qu’elles racontent elles-mêmes l’histoire de la communauté.
Photo : Groupe Miaji/Fabienne Théoret-Jerome
L’expo est à ce titre une mine d’informations souvent surprenantes. Par exemple, les Anichinabés ne reconnaissent pas quatre saisons, mais bel et bien six! Il y a pipon (hiver), sigon (pré-printemps), minokamin (printemps), nipin (été), takwagin (automne) et enfin pidjipipon (pré-hiver).
En matière de toponymie, on apprend également que Val-d’Or se nommait Askigwach et que si la rivière Nadowe Sipi (rivière des Iroquois) est appelée ainsi, c’est parce qu’un jour des Mohawks s’y sont noyés en chavirant de leur embarcation.
Synergie entre anthropologues et Autochtones
Des membres de la communauté de Lac-Simon ont mis sur pied le groupe de travail Miaji et ont fait appel à des experts et des chercheurs de l’Université de Montréal, notamment Marie Pierre Bousquet, professeure d’anthropologie qui entretient des relations étroites avec les Anichinabés de la région.
L’exposition numérique permet de donner davantage de visibilité au contenu
, explique-t-elle. C’est une vraie collaboration qui met de l’avant le point de vue des Autochtones. Il n’y pas de recette universitaire, car c’est davantage une proposition qui leur ressemble.
Mme Bousquet ajoute qu’une exposition virtuelle se pense différemment d'une exposition purement matérielle. On ne présente pas les choses de la même façon
, dit-elle. Le rapport à l’espace, l’attention du visiteur, le contenu... Tout doit être repensé et sélectionné.
Ka odji madjisek (Là où ça commence) est offerte en ligne (Nouvelle fenêtre) dans la collection Histoires de chez nous du programme Musées numérique du Canada.
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