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Awacak : naissance d’une organisation à la recherche des enfants autochtones disparus

Une association en quête de vérité pour les petits êtres de lumière, Awacak en langue atikamekw.

Une femme tient un micro.

Françoise Ruperthouse est devenue la porte-parole de l'association Awacak.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Françoise Ruperthouse est porte-parole d’Awacak, une organisation dont la mission consiste à accompagner les familles autochtones du Québec qui souhaitent retrouver leurs enfants disparus. Quatre femmes autochtones, dont trois de la nation atikamekw et l'autre de la nation anichinabée, se sont regroupées et rencontrées régulièrement. Pendant plus d'une année, elles ont échangé sur leur blessure commune, chacune, et également sur la blessure collective. Des blessures liées à la perte d'un enfant disparu.

Naissance d'Awacak

Viviane Chilton, Viviane Echaquan, Marie-Chantale Awashish et Françoise Ruperthouse voulaient donner un sens à leur partage. Le mari de Viviane Echaquan, Pierre-Paul Niquay, nous a tout simplement rappelé nos partages et il nous a suggéré de créer une association. "Vous êtes rendues là", nous a-t-il soufflé à l’oreille, et c’est ce que nous avons fait, précise Françoise Ruperthouse.

Cette association contribuera à faire connaître l'histoire d’enfants autochtones disparus tout en soutenant les familles qui entament un processus de recherche. Ces disparitions ont eu lieu alors que les enfants avaient été confiés à des hôpitaux du Québec ou à des organisations religieuses.

Au Québec, il y a près de 200 enfants autochtones disparus dans des circonstances qui demeurent à être éclaircies. Il y en a d'autres, précise Françoise Ruperthouse.

Awacak, fondée depuis une année, est composée de quatre membres du conseil d’administration et, à ce jour, l'organisation est à la recherche de trois autres membres pour s’impliquer dans cette cause qui nécessite de comprendre l'impact de ces disparitions.

Françoise Ruperthouse parle de l’émergence et de la source de ce qui est devenu Awacak, que l’on prononce « awashak » en langue atikamekw. C’est en parlant de ses petites filles avec fierté qu’elle exprime avec force son indignation quant au sort des enfants autochtones disparus.

Des collaborations essentielles

Plusieurs Autochtones se sont réunis en juillet, tous touchés de près ou de loin par la disparition d'un ou de plusieurs enfants. Cette cérémonie l’a émue, touchée. Une union entre nations dont la culture nomade et les langues sont de même souche. Une unité formée dans le malheur de la perte d'enfants. Une unité soudée par une même quête et l’espoir de voir d’autres nations profiter d’Awacak.

Nous aurons d’autres défis sur le chemin, mais le ministre [responsable des Affaires autochtones du Québec] Ian Lafrenière s’est engagé dans cette mission, notamment par la loi 79. C’est avec sa fille qu’il a participé au rassemblement du lac Decelles lui aussi. Comme une manière d’exprimer qu’il comprend la lourdeur de nos pertes, souligne Françoise Ruperthouse, qui ajoute que cette présence était importante, tout comme celle de Manon Massé, porte-parole de Québec solidaire pour les questions autochtones.

Anne Panasuk tient des mocassins d'enfant rouges.

Anne Panasuk est conseillère auprès du ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière. Elle promet aux familles qu'elle se battra pour qu'elles obtiennent la vérité.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

C’est une histoire douloureuse qui refait surface dans cette quête au présent de la vie des premiers peuples. Une quête de guérison qui s’amorce au bénéfice du mieux-être de tous les Autochtones et particulièrement des générations futures.

« L’association, elle va grandir et va prendre place. C’est une organisation récente et nous possédons déjà l'organigramme. À ce jour, nous savons que ce sera madame Anne Panasuk, ex-journaliste à Enquête de Radio-Canada, qui aura notamment l’autorité d’obtenir les papiers officiels qui seront nécessaires pour ces recherches. Des papiers que nous aurons enfin le droit de consulter. Il s’agit d’un pan de notre histoire. Et si les papiers officiels sont illisibles, nous trouverons un médecin pour les déchiffrer. »

— Une citation de  Françoise Ruperthouse, porte-parole de Awacak
Famille de la nation Anichinabé.

Françoise Ruperthouse et ses petits-enfants.

Photo : Gracieuseté : Françoise Ruperthouse

À la fois intense et généreuse, c’est le cœur grand ouvert et consciente de la souffrance des familles que Françoise Ruperthouse parle des petits êtres de lumière qui sont l’âme de cette bataille. L'âme de cette organisation. Non seulement elle se questionne sur la souffrance de sa famille, mais aussi sur la souffrance de sa communauté, de sa nation et des autres nations. L’un ne va pas sans l’autre pour elle.

« C’est très difficile d'expliquer le sentiment qu'on peut avoir quand un frère ou une sœur ont disparu et de voir nos parents souffrir de cette perte. Il y a seulement les personnes qui vivent la même chose qui sont capables de réellement comprendre ces disparitions, cette peine, cette frustration, cette colère. »

— Une citation de  Françoise Ruperthouse, porte-parole de Awacak
La femme recevant des soins en milieu hospitalier.

La défunte mère de Françoise Ruperthouse.

Photo : Gracieuseté : Françoise Ruperthouse

Un chemin vers la décolonisation

Elle élargit ses questionnements vers ceux des autres peuples autochtones et ajoute : nous souffrons depuis trop longtemps, mais nous savons aussi que nos petits, les enfants disparus, ont besoin d'être retrouvés. Nous sommes guidés dans cette recherche.

Les quatre femmes membres du conseil d'administration d'Awacak voulaient aller à leur rencontre. Connaître le parcours des petits êtres de lumière et apporter une solution aux familles. Elles vivent avec des questionnements depuis toujours et n'ont jamais oublié les enfants.

« Aujourd'hui, elles veulent que les familles autochtones retracent leur route et connaissent leur vécu, du moins autant que possible. Les causes demeureront parfois inconnues, mais les familles pourront retracer une partie de leur histoire, comme les aînés l'ont exprimé lors du rassemblement. »

— Une citation de  Françoise Ruperthouse, porte-parole de Awacak

C'est en toute humilité et sincérité que Françoise Ruperthouse affirme que, tout comme les membres de sa famille, elle a vécu une partie de sa vie en souffrant de problèmes de dépendance. Mais aujourd’hui, je ne consomme plus depuis 25 ans, dit-elle.

En aucun temps elle n'évoque une responsabilité des autorités autochtones des communautés qui n’ont pas engagé de batailles pour retrouver les enfants disparus au moment où, il y a 50, 40 ou même 30 ans, ces drames se vivaient.

« Nous étions tous affectés et déracinés. Nous avions même perdu le sens de l'entraide. C'est aussi cela l'effet des pensionnats. »

— Une citation de  Françoise Ruperthouse, porte-parole de Awacak

Une de ses sœurs est sobre depuis plus de trois ans. Et un de ses frères avait réussi à cesser de consommer, mais il est décédé.

Ses parents ont mis au monde 16 enfants dont deux ont disparu. Émily a disparu à l’âge de trois ans et Tony à l'âge de un an et demi. La famille se demande si Tony a été enterré dans une fosse commune et s'il a été soumis à des expériences médicales comme aurait pu l'être Émily, puisqu'elle a été retrouvée trente ans plus tard, à l’hôpital de Baie-Saint-Paul et qu'elle était lourdement handicapée. Françoise précise qu’il y a plusieurs réponses encore à trouver. Elle partage le fait que ses parents ont aussi vécu la perte d’un autre enfant, Tommy, qui a été affecté par le syndrome de mort subite du nourrisson.

Enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants de Françoise Ruperthouse.

La famille de Françoise Ruperthouse.

Photo : Gracieuseté : Françoise Ruperthouse

Françoise Ruperthouse, une enfant courageuse

Aujourd'hui, celle qui contestait la rigidité de ses parents et l'arrachement, une des graves conséquences de l’œuvre des pensionnats, est grandement impliquée dans sa communauté.

Nos peuples méritent la vérité, chacun de nous aussi et tout comme les autres qui le souhaitent, ce sera grâce à Awacak que je découvrirai moi aussi la vérité que je recherche tant. Depuis toujours. Je me sens à ma place en militant pour cette organisation, j’y vois tout son sens.

Elle raconte que ses parents ont développé des problèmes sociaux importants, dont l'alcoolisme et la violence. Elle est entrée en rébellion et s'est créé un chemin. Elle était consciente que ses parents ne recevaient aucune aide.

J'ai toujours voulu savoir ce qu’ont réellement vécu ma sœur et mon frère. Je dois cela à mes parents. Mes parents ont craint les hôpitaux toute leur vie. Ils nous soignaient à la maison. Ils nous surprotégeaient sans réaliser que cela avait des répercussions importantes sur nous, sur notre enfance et notre futur.

« Ma mère, qui a craint les hôpitaux toute sa vie, vivait enfermée à l'hôpital avec la maladie d'Alzheimer et elle est décédée le 9 août dernier. Je veux lui offrir la vérité sur ses enfants disparus. »

— Une citation de  Françoise Ruperthouse, porte-parole de Awacak

J’ai 15 petits-enfants et je suis deux fois arrière-grand-mère. Dans les pensionnats et par le chemin de la colonisation, on nous a appris à ne pas s’aimer, je veux que mes petits-enfants s’aiment, se respectent et qu’ils soient unis.

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