Les pensionnats autochtones en 7 questions

Une femme brandissant une plume d'aigle au passage d'un convoi de camionneurs, en soutien au peuple Tk'emlups te Secwepemc, après la découverte de restes d'enfants enterrés près de l'ancien pensionnat indien de Kamloops, en Colombie-Britannique.
Photo : La Presse canadienne / Darryl Dyck
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La découverte de ce que l'on pense être les restes de 215 enfants sur le site d'un ancien pensionnat à Kamloops a sidéré les Canadiens et relancé l'attention sur un « chapitre sombre et honteux de l'histoire de notre pays », comme l'a dit le premier ministre Justin Trudeau.
Depuis, les questions se multiplient sur le système des pensionnats autochtones au Canada et ses conséquences. Vous trouverez ci-dessous les réponses à certaines d'entre elles.

Des étudiants et une religieuse posent dans une salle de classe du pensionnat Cross Lake, au Manitoba, sur une photo d'archives datant de février 1940.
Photo : Bibliothèque et Archives Canada
Combien d'enfants ont été contraints de fréquenter ces écoles?
Plus de 150 000 enfants des Premières Nations, ou encore, métis ou inuit, ont été forcés de fréquenter des écoles gérées par l'Église et financées par le gouvernement entre 1870 et 1997.
Une modification de la Loi sur les Indiens en 1894 a rendu obligatoire la fréquentation des pensionnats. Les enfants ont été arrachés à leur famille et à leur culture et forcés d'apprendre l'anglais ou le français, d'adopter le christianisme et de se plier aux coutumes de la majorité blanche du pays.
Le Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR) a identifié les noms ou les informations de plus de 4100 enfants qui sont morts, la plupart en raison de malnutrition ou de maladies, alors qu'ils fréquentaient ces écoles.
L'ancien sénateur Murray Sinclair, qui a présidé la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) chargée d'examiner les pensionnats, a déclaré que le nombre de morts pourrait être bien plus élevé en raison de la médiocrité des registres de décès des pensionnats.

Cette carte montre les pensionnats reconnus par la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens (CRRPI).
Photo : Commission de la vérité et de la réconciliation
Combien d'écoles ont été recensées? Où étaient-elles situées?
La Convention de règlement relative aux pensionnats indiens (CRRPI) a reconnu 139 pensionnats au Canada. Ce nombre exclut les écoles qui fonctionnaient sans soutien fédéral, comme celles gérées uniquement par des ordres religieux ou des gouvernements provinciaux.
Ces 139 écoles ont fonctionné dans toutes les provinces et dans tous les territoires du Canada, sauf à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve-et-Labrador. (Les pensionnats situés à Terre-Neuve-et-Labrador n'étaient pas inclus dans la CRRPI.)
En 1931, à l'apogée du système des pensionnats, environ 80 écoles étaient en activité au pays.
La dernière à fermer ses portes, en 1997, a été le pensionnat de Kivalliq Hall, à Rankin Inlet, au Nunavut. (Il n'est devenu une école reconnue par la CRRPI qu'en 2019, ce qui explique que les récits précédents décrivent la fermeture de la dernière école en 1996.)

L'ancien premier ministre Stephen Harper rencontre des chefs autochtones le 11 juin 2008, après avoir présenté des excuses officielles aux victimes des pensionnats.
Photo : La Presse canadienne / Fred Chartrand
Qui en a été tenu responsable?
Beaucoup d'enfants des pensionnats ont été victimes d'abus physiques, sexuels ou psychologiques dans un système décrit comme un génocide culturel
par la CVR dans son rapport de 2015.
En 2008, le premier ministre Stephen Harper a présenté des excuses officielles à la Chambre des communes au nom du gouvernement du Canada, au sujet des pensionnats et des dommages qu'ils ont causés aux peuples autochtones.
Ces excuses ont été présentées neuf mois après l'entrée en vigueur de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Le règlement global du recours collectif — qui impliquait les survivants, le gouvernement fédéral et les Églises qui géraient les pensionnats — prévoyait la création de la Commission de vérité et de réconciliation.
Il prévoyait également l'attribution d'une compensation financière sous deux formes : par un Paiement d'expérience commune (PEC) pour tous les élèves ayant fréquenté les pensionnats et par un processus d'évaluation indépendant pour évaluer les réclamations des anciens élèves ayant subi des abus au sein des pensionnats.
Selon un rapport publié en mars dernier, plus de 3 milliards de dollars ont été versés à 28 000 victimes d'abus commis dans les pensionnats.

Le pape a rencontré des cardinaux canadiens après la découverte de Kamloops.
Photo : afp via getty images / VINCENZO PINTO
Qu'a fait ou dit le Vatican à ce sujet?
L'Église catholique a géré environ 70 % des pensionnats du Canada, dont celui de Kamloops de 1890 à 1969, avant que le gouvernement fédéral le reprenne jusqu'en 1978.
Alors que l'Église anglicane et l'Église unie, notamment, ont présenté des excuses officielles pour leur rôle dans le système des pensionnats, l'Église catholique a jusqu'à présent refusé de le faire.
Elle s'en est approchée le plus en 2009, lorsque le pape Benoît XVI a exprimé sa tristesse
pour certains comportements déplorables
de membres de l'Église. En 2018, la Conférence des évêques catholiques du Canada a déclaré que le pape François estimait qu'il ne pouvait pas répondre personnellement
à la demande d'excuses pour les pensionnats.

L'archevêque Michael Miller présente ses excuses et offre ses condoléances aux peuples autochtones.
Photo : L’archidiocèse de Vancouver
Cependant, de nombreux dirigeants de l'Église catholique au Canada ont présenté individuellement des excuses, avant et après la découverte à Kamloops.
L'Église catholique a par ailleurs refusé de publier un grand nombre de ses documents sur les pensionnats, lesquels pourraient faire la lumière sur les sites d'inhumation non marqués, en invoquant les lois sur la protection de la vie privée.
Dans le cadre de la CRRPI, les groupes catholiques ont été tenus de verser des dizaines de millions de dollars : 29 millions à la Fondation autochtone de guérison, mais aussi 25 millions que les groupes catholiques s'étaient engagés, en vertu de l'entente, à collecter afin de financer des programmes de guérison.
Toutefois, une décision de justice controversée rendue en 2015 a permis aux groupes catholiques de ne recueillir que 4 millions sur l'objectif initial de 25.
Y a-t-il eu enquête?
La CVR a publié 94 appels à l'action dans son rapport déposé en 2015, dont une section concerne les enfants disparus et les lieux de sépulture.
La commission a demandé au gouvernement fédéral de travailler conjointement avec les églises, les communautés autochtones et les anciens élèves pour établir et maintenir un registre en ligne des cimetières des pensionnats, y compris, si possible, des cartes de parcelles indiquant l'emplacement des enfants décédés dans les pensionnats.
La ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, a récemment déclaré que le gouvernement avait prévu consacrer, en 2019, quelque 33 millions de dollars de son budget pour mettre en œuvre les recommandations de la CVR relatives aux sépultures.
Cependant, seule une petite partie de ce montant a été dépensée jusqu'à présent, 27 millions étant encore disponibles.
Mme Bennett a déclaré que l'argent serait distribué de toute urgence
, en partenariat avec le Centre national de vérité et réconciliation, à Winnipeg, et les communautés autochtones impliquées dans des recherches en cours ou à venir.

Le nom du père Arthur Lavoie, à gauche de la photo, revient plus de 300 fois dans des plaintes pour abus sexuels.
Photo : Radio-Canada / Centre national pour la vérité et réconciliation
D'autres écoles font-elles l'objet d'une enquête?
La CVR a conclu dans son rapport de 2015 que les corps de la majorité des élèves décédés dans ces écoles n'ont pas été rendus à leur communauté d'origine.
La commission possède des dossiers sur 51 enfants morts au pensionnat autochtone de Kamloops.
À la lumière de la récente découverte, M. Trudeau a promis le soutien du gouvernement fédéral pour préserver les lieux de sépulture et mettre au jour d'autres lieux de sépulture non marqués, dans d'autres pensionnats. Toutefois, ses ministres et lui-même ont insisté sur la nécessité pour les communautés autochtones de décider elles-mêmes de la façon dont elles souhaitent procéder.
Le ministre des Services aux Autochtones, Marc Miller, indique qu'Ottawa suit le rythme des communautés
et a l'intention d'élaborer des protocoles adaptés culturellement pour rendre hommage aux enfants disparus.

L'évêque John Fergus O'Grady, photographié avec son diplôme honorifique en 1986. À droite, la lettre envoyée aux parents des élèves du pensionnat autochtone en 1948.
Photo : Les archives des journaux de Prince George/BCTF
Où sont maintenant les dirigeants de ces écoles?
La découverte de restes d'enfants à Kamloops a également soulevé une vague de revendications partout au Canada pour que les villes et les institutions annulent les distinctions honorifiques accordées à ceux qui ont participé à la mise en place du système de pensionnats.
L'Université de la Colombie-Britannique a déclaré qu'elle réexaminait un diplôme honorifique décerné à l'évêque catholique John Fergus O'Grady, aujourd'hui décédé, ancien directeur du pensionnat de Kamloops.
À l'Île-du-Prince-Édouard, une statue de John A. Macdonald, premier premier ministre du Canada, a été retirée à la suite d'un vote du conseil municipal de Charlottetown.
À Toronto, l'Université Ryerson est invitée à changer de nom et à retirer une statue d'Egerton Ryerson de son campus. L'école de journalisme de l'université a déjà indiqué qu'elle allait renommer deux de ses publications.
Entre-temps, le conseil de l'éducation de Calgary a adopté une motion visant à renommer l'école Langevin, qui porte le nom d'Hector-Louis Langevin, un des Pères de la Confédération, considéré comme un des architectes du système des pensionnats.
Avec les informations de John Paul Tasker, Peter Zimonjic et Jon Hernandez, de CBC