•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

An Antane Kapesh, une grande voix de l’anticolonialisme portée au théâtre

Le Festival TransAmériques programme une lecture de Je suis une maudite sauvagesse interprétée par Natasha Kanapé Fontaine.

Natasha Kanapé Fontaine, sur scène, derrière un pupitre.

La poète et actrice innue Natasha Kanapé Fontaine a été choisie pour interpréter le texte de l’écrivaine innue An Antane Kapesh (1926-2004).

Photo : Jérémie Battaglia

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

« Dans mon livre, il n’y a pas de parole de Blancs. » Ainsi débute le texte révolté Je suis une maudite sauvagesse, d’An Antane Kapesh, première auteure innue publiée en français en 1976 et dont le nom apparaît, parfois, aux côtés de Frantz Fanon et d’Aimé Césaire.

Sa parole sans détour reste aujourd'hui trop méconnue, mais d'une brûlante actualité, affirme le metteur en scène wendat Charles Bender, qui dirige l’interprète innue Natasha Kanapé Fontaine dans une mise en lecture prévue au Festival TransAmériques (FTA) le 5 juin.

Initialement paru en 1976, ce témoignage autobiographique raconte l'histoire du Québec du point de vue du colonisé. Dans un discours frontal d’affirmation identitaire, An Antane Kapesh épingle le colonialisme québécois et ses graves conséquences sur le peuple innu.

Quand le Blanc a pris nos enfants pour les éduquer à sa manière, il ne nous a pas dit ceci, écrit-elle en imaginant la parole du colonisateur :

« Viendra un temps où vous ne vous reconnaîtrez plus entre vous. Peut-être que vos enfants auxquels je vais faire perdre leur culture indienne se mettront à sa recherche plus tard, mais ils ne la retrouveront jamais. Jamais ils ne retrouveront cette langue indienne qu’ils auront perdue. »

— Une citation de  An Antane Kapesh, auteure innue
Portrait d'An Antane Kapesh.

La militante An Antane Kapesh, première autrice innue traduite en français.

Photo : Courtoisie de la famille André

Née en 1926 dans le Grand Nord, An Antane Kapesh a subi le déracinement forcé près de Sept-Îles où la mère de huit enfants a fini ses jours.

Elle raconte l’histoire telle quelle plutôt que de la façon dont elle nous a été enseignée par les institutions, évoque Charles Bender.

« [Son écriture] donne des racines aux réclamations sur l’hébergement, comment les réserves ont été montées, [...] comment on s’est ramassé dans un cycle de descente aux enfers, comment les Autochtones se percevaient eux-mêmes par rapport à ces enjeux-là. »

— Une citation de  Charles Bender, metteur en scène

Pour le codirecteur artistique des Productions Menuentakuan, le texte est tout entier porté par un courroux essentiel à entendre, qui montre que ce n'était pas juste une mésentente, mais qu'il y avait beaucoup de mauvaise foi dans le traitement des Premières Nations.

Adaptation scénique

Pour transposer au théâtre ce classique engagé de la littérature autochtone, Charles Bender a plutôt imaginé une mise en scène sobre, à la froideur des dispositifs instaurés par les multiples commissions qui recueillent des témoignages sur divers dossiers autochtones.

[Natasha Kanapé Fontaine] se retrouve derrière un micro, elle s’imagine être devant une salle de vieux hommes blancs conservateurs voulant qu’elle se sente intimidée et qu’elle ne soit pas capable de livrer son témoignage, explique-t-il.

Non seulement elle le fait, mais en innu-aimun, poursuit-il. C’est une façon de reprendre le contrôle de son narratif malgré le fait qu’elle soit dans un environnement loin d'être un safe space.

Portrait de Charles Bender.

Comédien et metteur en scène wendat, Charles Bender a également traduit en français « Halfbreed » de la Saskatchewanaise Maria Campbell.

Photo : Brad Gros-Louis

Je suis une maudite sauvagesse sera donc interprété par Natasha Kanapé Fontaine en innu, avec des surtitres en français et en anglais, afin de rendre la parole d'An Antane Kapesh vivante, fait valoir le metteur en scène qui reconnaît ne maîtriser que quelques rudiments d'innu.

Le texte original (en innu-aimun ou montagnais) a dû être adapté en innu de Pessamit, la langue de l’interprète, précise-t-il.

La plus récente version de Je suis une maudite sauvagesse a été éditée chez Mémoire d’encrier en 2019.

Dans la préface de cette édition bilingue, la romancière innue Naomi Fontaine reconnaît avoir pris connaissance de ce classique de la littérature autochtone seulement sur le tard, tout comme Charles Bender qui l’a lu à la faveur d’une traduction récente de l’œuvre métisse Halfbreed de la Saskatchewanaise Maria Campbell, juste avant la pandémie.

La mise en lecture programmée au FTA, et disponible en webdiffusion du 4 au 21 juin, contribuera peut-être à redonner un nouveau souffle à la parole d'An Antane Kapesh.

En cours de chargement...