La Banque de l'infrastructure investit 1 milliard dans des projets autochtones verts

Une éolienne installée par Tugliq Énergie à la mine Raglan, au Nunavik
Photo : Tugliq Énergie / Michelle Marquis
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La Banque de l'infrastructure du Canada (BIC) annonce la création de l’Initiative d'infrastructures autochtones (IICA). Comme le rapportait Espaces autochtones vendredi matin, cette dernière sera dotée d’un budget initial de 1 milliard de dollars. Une bouffée d’air frais économique pour les Premières Nations, les Inuit et les Métis.
Le PDG de la BIC, Ehren Cory, et la ministre fédérale de l’Infrastructure et des Collectivités, Catherine McKenna, en ont fait l’annonce lors de la conférence sur l’investissement durable organisée par la Coalition de Premières Nations pour les grands projets, qui regroupe environ 70 communautés et groupes autochtones.
Selon Ehren Cory, il s'agit d'un outil unique
qui permettra de combler les lacunes en matière d’infrastructures
dans les communautés autochtones.
Nous avons une formidable occasion de travailler en partenariat avec les Premières Nations, les Inuit et les communautés des Métis pour construire d’importantes infrastructures qui profiteront à leurs communautés sur le plan économique et permettront de créer des emplois
, a pour sa part déclaré par écrit la ministre McKenna en marge de la quatrième édition de l'événement, qui a lieu virtuellement cette année.
En entrevue avec Espaces autochtones, la veille de l'annonce, le PDG de la BIC soulignait que le marché commercial qui existe n’est pas bien construit pour répondre [aux besoins] des communautés autochtones
.
Cette initiative permettra à la BIC d’investir dans des projets de plus petite envergure que ce à quoi elle est habituée. À titre d’exemple, elle a investi des centaines de millions de dollars dans le Réseau express métropolitain (REM), à Montréal. Mais avec ce fonds
, elle pourra accorder des prêts d'un minimum 5 millions de dollars, à faible taux d’intérêt, qui pourront financer jusqu’à 80 % des coûts d’un projet.
Les initiatives entrepreneuriales qui seront financées doivent permettre à la fois d’encourager l’économie verte et de combler les carences en infrastructures autochtones de même qu'en matière de sécurité énergétique, de traitement des eaux ou d’accès à Internet, par exemple.
Lorsque les communautés autochtones se développent et prospèrent de manière durable, tout le Canada en profite.
Membre du Conseil national de recherches Canada et président du conseil d’administration de Tugliq Énergie, Pierre Rivard milite depuis une trentaine d'années pour des sources renouvelables et moins polluantes en matière d'énergie. Il fait partie d’un groupe ayant cosigné en 2020 une lettre réclamant la création d’un fonds autochtone géré par la BIC. Il se réjouit de cette annonce.
C’est très difficile de garantir ce genre de prêts pour les banques conventionnelles, parce que souvent, les communautés n’ont pas les actifs en contrepartie d’un prêt ou les revenus qui peuvent rembourser la dette. Ça va permettre d’enlever le risque financier dans une large mesure. Le risque ne sera plus sur les 100 % du prêt, mais sur les 20 %
, explique-t-il.
Une éolienne géante à Salluit

Une éolienne installée par l'entreprise Tugliq Énergie sur le terrain de la mine Raglan, au Nunavik, en 2015
Photo : Tugliq Énergie / Justin Bulota
Les représentants de l'entreprise Tugliq et de sa consœur inuit Ikayu espèrent notamment construire une géante éolienne à Salluit, au Nunavik, qui permettrait au village non seulement d’être alimenté en électricité, mais aussi de gagner des revenus en vendant ses surplus d'électricité à Hydro-Québec.
Au lieu d’être une dépense pour Hydro-Québec à déficit ou à perte, ça devient une source de revenus et de diversification économique pour la communauté
, explique Pierre Rivard.
Ces sommes peuvent ainsi être réinvesties dans différents domaines, dit-il.
Les carences en infrastructures, ça peut être au niveau de l’énergie, de l’eau; au niveau des logements sociaux, de la télémédecine, de l’accès à Internet... Ce sont toutes des carences infrastructurelles dont souffrent les communautés autochtones
, précise M. Rivard.
Selon lui, ce nouveau fonds pourrait par exemple permettre à des communautés autochtones de partout au Canada de faire un virage du diesel vers des parcs solaires ou éoliens et de vendre de l'électricité à des sociétés d’État comme Hydro-Québec, Manitoba Hydro, SaskPower ou BC Hydro.
West Moberly veut une ferme solaire

Des employés travaillent sur un projet d'énergie solaire de l'entreprise de David Isaac, W Dusk Group, pour la nation crie de Fisher River au Manitoba.
Photo : W Dusk / Thomas Giwusk Isaac-Came
À 300 kilomètres au nord de Prince George, en Colombie-Britannique, la Première Nation de West Moberly espère mettre sur pied un projet de ferme solaire. Des discussions sont en cours avec l'entreprise W Dusk Group, spécialisée en énergie solaire.
Il y a plus de 600 communautés autochtones au Canada; il y a une foule de projets possibles. Vous savez, certaines communautés n’ont toujours pas accès à de l’eau potable. Avec ce projet d’investissement, ça pourrait leur permettre de trouver une solution
, explique le chef de West Moberly, Roland Willson.
Ça va nous permettre de créer nos propres infrastructures en matière de développement durable et d’être indépendants financièrement du gouvernement fédéral, de ne plus être dépendants des subventions.
Il faut dire que les Premières Nations sont toujours assujetties à la Loi sur les Indiens, qui soumet au gouvernement fédéral la gestion des terres dans les réserves. Or, les investisseurs privés et les institutions bancaires sont souvent réticents à accorder des prêts, puisqu’ils ne peuvent saisir les biens en cas d’insolvabilité d’une entreprise.
Une annonce historique
, selon le PDG de W Dusk Group

Le PDG de W Dusk Group, David Isaac, dans une de ses fermes solaires
Photo : W Dusk Group
Joint à Vancouver, le PDG de W Dusk Group, David Isaac, un Micmac originaire de Listuguj, au Québec, estime qu’il s’agit d’un moment historique
. Il fait partie du groupe qui recommande depuis deux ans aux élus de créer un fonds autochtone au sein de la BIC.
C’est une occasion unique pour les Premières Nations, les Inuit et les Métis de faire partie d’un virage en matière de développement durable, d’une tendance mondiale vers une économie plus verte
, explique-t-il.
David Isaac, qui travaille ces jours-ci sur différents projets de fermes solaires, dont celui de West Moberly, estime qu’il est grand temps que les Autochtones retrouvent leur autonomie sur le plan entrepreneurial.
C’est difficile avec la Loi sur les Indiens. Mais quelle meilleure façon de combler les écarts, les iniquités que de faire en sorte que les communautés autochtones puissent gérer elles-mêmes leurs infrastructures?
Des représentants des Premières Nations, des Inuit et des Métis saluent l’initiative
L’Assemblée des Premières Nations (APN), le Ralliement national des Métis et l’Inuit Tapiriit Kanatami – qui regroupe environ 65 000 Inuit dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut et au Nunavik – ont tous les trois salué cette annonce vendredi.
Je soutiens les efforts que déploie la BIC pour collaborer directement et efficacement avec les Premières Nations, ce qui mènera à des investissements indispensables pour de meilleures infrastructures et une croissance économique durable
, a notamment indiqué Perry Bellegarde, chef national de l’Assemblée des Premières Nations.
Le représentant national et vice-président du Ralliement national des Métis, David Chartrand, a parlé quant à lui d’une étape importante vers la réduction du déficit d’infrastructure
des communautés autochtones, tandis que le président d’Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed, a soutenu que ces investissements sont essentiels pour bâtir les infrastructures dont les Inuit ont besoin pour prospérer
.