Féminicides au Canada : une victime sur cinq est autochtone
Des 128 femmes et filles présumément tuées par des hommes en 2020, 30 étaient autochtones.

Les familles des femmes autochtones disparues et assassinées ont organisé des marches dans plusieurs villes du pays le 14 février, afin de demander justice et de leur rendre hommage, comme ici, au Manitoba.
Photo : Radio-Canada / Trevor Brine
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Plus d’une victime de féminicide sur cinq était autochtone, l'an dernier, au Canada, selon le rapport #CestunFémicide 2020 de l'Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation (OCFJR) publié mercredi.
Des 128 femmes ou filles tuées lors de drames pour lesquels des hommes ont été accusés, 30, soit 23 %, étaient autochtones. Une estimation minimale
, selon le rapport, puisque la compilation des données officielles sur l’origine ethnique est souvent imparfaite.
Les femmes autochtones sont plus susceptibles d'être tuées par un étranger, d'être agressées sexuellement et d'être victimes de la violence d'un partenaire intime que les femmes et les filles non autochtones
, conclut le rapport.
C'est une réalité qui a été décriée maintes fois, rappelle Lorraine Whitman, présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC).
Ce sont des chiffres qu’on connaît depuis des années, c’est bien connu dans les communautés autochtones.
Peu de changement
Le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA), publié le 3 juin 2019, avait tiré des conclusions similaires. Les commissaires y ont lancé 18 appels à la justice
regroupant 231 recommandations qui touchent des domaines aussi vastes que la sécurité, la santé, la protection de la jeunesse, la culture et la gouvernance.
Au printemps dernier, le ministre des Relations Couronne-Autochtones a annoncé que le gouvernement fédéral ne serait pas en mesure de présenter un plan d'action national avant le premier anniversaire de la publication du rapport en raison de la pandémie de COVID-19.
Lorraine Whitman déplore que le plan d’action n'ait pas été mis en œuvre comme promis. L’AFAC avait justement répondu qu’en l’absence de tout plan d’action national, il est difficile d’attribuer une cote quelconque au gouvernement du Canada, sinon un échec retentissant
.
Je ne sais pas si ça aurait sauvé toutes ces femmes, mais, certainement, ça aurait eu un impact, dit maintenant l'organisation. En même temps, on a besoin d’éducation et nous avons besoin que les gens sachent et comprennent qu’il s’agit d’un génocide.
Nous avons besoin de ressources et nous avons besoin de services pour nos femmes.
La violence n'a pas cessé, elle a augmenté depuis la COVID-19
, déplore Mme Whitman. L’AFAC a mené sa propre enquête dans les communautés autochtones du pays cette année et a conclu que les femmes avaient encore plus peur de la violence que du coronavirus, indique Lorraine Whitman.
Malgré une attention croissante ces dernières années, le rapport souligne qu'il n'y a pas eu de réduction identifiable du nombre de femmes et de filles autochtones tuées lors de violences, et attribue ces décès au racisme systémique.
La misogynie travaille en étroite collaboration avec le racisme, la discrimination, les préjugés [...] Cela signifie en partie que l'on accorde encore moins d'attention aux morts violentes – fémicides [sic] – de femmes et de filles marginalisées qui courent un risque plus élevé d'être victimes de violence ou tuées.
Les zones d’ombre dans les données et l’indifférence collective mènent souvent à l'impunité des auteurs de crimes perpétrés contre les femmes et les filles, avance le rapport. Cette impunité met en place un cercle vicieux dans lequel les tribunaux négligent symboliquement de nombreuses victimes, envoyant à la société le message que leur mort n'a pas d'importance. Et donc, leur mort continue.
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Documenter la violence
Le rapport conclut également que les personnes racialisées, particulièrement les Autochtones, sont surreprésentées parmi les victimes de violence policière. Au cours des 20 dernières années, 16 % de tous les homicides commis par la police impliquaient des victimes autochtones
, alors qu’elles ne forment que 5 % de la population générale.
Les taux les plus élevés de féminicides se trouvent dans les Territoires du Nord-Ouest (14 %), au Nunavut (5 %) et en Nouvelle-Écosse (3 %). Et c’est en région rurale que le plus de femmes et de filles ont été tuées (54 %).
C’est le troisième rapport produit par la CFOJA depuis sa création, en 2017, avec le mandat de documenter de manière plus complète et précise
la violence des hommes à l’égard des femmes et des filles, appelée fémicide
, selon le terme anglais, ou féminicide
.
Comparativement à 2019, la dernière année a vu une augmentation du nombre de femmes et de filles tuées, passant ainsi de 146 victimes à 160.
Depuis le début du recensement des meurtres par l’Observatoire, 761 femmes ont été tuées entre 2016 et 2020, soit un meurtre tous les 2,5 jours.