Des nouveau-nés autochtones encore retirés de leur famille, selon des intervenants

En novembre, le nouveau-né d'un couple de Brandon a été emmené par des agents des Services à l'enfance et à la famille alors que la mère et le bébé étaient encore à l'hôpital.
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les services à l'enfance et à la famille de l'ouest du Manitoba sont critiqués pour avoir retiré un bébé des Premières Nations de sa famille peu de temps après sa naissance, mettant les parents dans une situation d'angoisse pendant deux mois avant que l'enfant ne leur soit rendu.
Pourquoi est-ce que ça se produit encore alors qu'il y a des mécanismes en place pour faire les choses différemment?
, questionne Cora Morgan, la protectrice des enfants autochtones pour l’Assemblée des chefs du Manitoba.
En novembre, le nouveau-né d'un couple de Brandon, à environ 200 kilomètres de Winnipeg, a été emmené par des agents des Services à l'enfance et à la famille, alors que la mère et le bébé étaient encore à l'hôpital.
La mère, qui ne peut être identifiée parce que sa famille est toujours impliquée dans le système de protection de l'enfance, affirme qu'une infirmière avait commencé à poser des questions sur le trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention de son partenaire.
Cela a été suivi d'allégations selon lesquelles le père avait marmonné quelque chose à propos de secouer leur bébé. La mère assure que son partenaire ne dirait jamais de telles choses.
La mère devait comparaître devant le tribunal, la semaine dernière, afin d'obtenir la garde, mais elle a été informée que son bébé ne lui serait rendu que si elle et son partenaire permettaient à un travailleur de soutien de les accompagner, ce qu'ils ont accepté.

Pour les familles, se faire retirer un nouveau-né est traumatisant, dit Cora Morgan.
Photo : CBC / Jaison Empson
Mais, selon Cora Morgan, de nombreuses autres options auraient pu être envisagées avant que l'enfant ne soit enlevé à sa mère, comme accéder à une équipe de soutien prénatal, travailler avec une doula ou demander à un autre membre de la famille de s'occuper de l'enfant.
Ils ont échoué face à la mère, mais plus important encore, ils ont échoué face au bébé.
Notre conviction est qu'un bébé est la quintessence de l'amour et doit être protégé et nourri. Le retirer à la mère et le priver de lait maternel est dévastateur
, ajoute-t-elle.
Le grand chef de l’Organisation des chefs du sud du Manitoba , Jerry Daniels, croit que, malgré la décision de la province de mettre fin à l'utilisation largement critiquée des alertes à la naissance, le système de protection de l'enfance retire toujours les bébés des familles.
C'est une pratique archaïque. Ça devrait se produire seulement lorsqu'il n'y a aucune autre solution possible.
Avant 2020, les alertes à la naissance étaient utilisées pour signaler aux hôpitaux les femmes enceintes considérées comme à haut risque
par les agences de services sociaux.
C'est extrêmement problématique, affirme le grand chef Daniels. Les problèmes sont systémiques. Il y a toutes sortes de préjugés et de fausses interprétations qui font en sorte que certaines personnes ont plus de risque d'être l'objet d'une alerte.
C'est aux travailleurs sociaux qu'appartient la responsabilité d'évaluer la situation et d'offrir du soutien au lieu de recommander la séparation, en particulier dans des cas comme le bébé de Brandon
, ajoute-t-il.

Les travailleurs sociaux devraient offrir du soutien et de l'accompagnement aux familles, selon le grand chef Jerry Daniels.
Photo : CBC / Trevor Brine
Jerry Daniels constate qu'il est compliqué de rendre un enfant à sa famille, même si cet enfant n'aurait pas dû être retiré en premier lieu, en raison de la lenteur du système.
Nourrir et créer des liens a été volé à l'enfant, ce lien réel avec sa mère, ce lien que le bébé entretient depuis neuf mois avant la naissance. Ce lien a été rompu pendant un certain temps. Je pense qu'il y a des conséquences à faire cette séparation, c'est sûr
, croit-il.
Du temps perdu à jamais
CBC a demandé au gouvernement provincial de commenter cette histoire.
Dans le système des services à l'enfance et à la famille du Manitoba, la responsabilité de la prestation des services incombe [...] aux agences concernées
, a dit un porte-parole de la ministre de la Famille Rochelle Squires.
Le gouvernement du Manitoba est fier d'avoir mis fin à la pratique des alertes à la naissance l'année dernière, et cette directive demeure en vigueur
, a aussi déclaré le porte-parole en soulignant que les nouveau-nés peuvent toujours être retirés si une situation est jugée dangereuse.
Cora Morgan soutient que les autorités doivent être tenues responsables des décisions qu'elles prennent, d'autant plus qu'une fois qu'un enfant entre dans le système, cela peut prendre des mois avant qu'une décision soit annulée ou que les familles soient réunies.
Parfois, ils prennent des décisions trop rapidement, et l'une de mes préoccupations est le manque de cohérence entre les agences et dans la façon dont elles travaillent avec nos familles
, dit-elle.
Quitter un hôpital les mains vides après avoir accouché est terrible et douloureux. Certaines familles ne s'en remettent jamais.
Une fois que ce bébé est enlevé, c'est du temps perdu à jamais et des moments qui ne pourront jamais être vécus
, affirme Mme Morgan.
D'après un texte de Marianne Klowak de CBC News.