L’autonomisation au service des jeunes Autochtones vulnérables à Montréal
La terrasse du Café de la Maison ronde.
Photo : Radio-Canada / Sophie-Claude Miller
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La pandémie fait grandement mal aux plus vulnérables de la société. Les conditions de vie de plusieurs se détériorent, particulièrement les Autochtones en milieu urbain. Le groupe communautaire L'Itinéraire à Montréal lancera en février son projet Intégration jeunes Autochtones. Une initiative leur permettant d’acquérir plus d'autonomie.
Retrouver la confiance en soi, tout a commencé ainsi pour Amanda, 29 ans, et Simon, 30 ans.
Amanda LaBillois est navigatrice autochtone chez Médecins du Monde. Simon Elutak Lefebvre est artiste de cirque. Elle est micmaque, lui inuk.
Ils ont en commun d’avoir participé au programme d’employabilité offert par L’Itinéraire, un programme qui a changé leur vie.
Originaire de Puvirnituq, au Nunavik, Simon a participé aux ateliers offerts par le groupe L’Itinéraire et a travaillé à la Coop du Milieu, un café inclusif situé près des locaux de L’Itinéraire.
Avant cela, Simon vivait dans la rue. C’est dans la rue qu’il a découvert le Cirque Hors piste. Et c’est au sein de ce cirque social qu’il a redécouvert le plaisir de jouer et de s’exprimer. Le programme d’employabilité a été le coup de pouce de plus reprendre sa vie en main.
« J’ai eu 30 ans l’année passée, je ne savais pas quoi faire dans ma vie, puis je pense que le cirque, c’est ça que je veux faire. »
De son côté, Amanda avait cumulé les emplois de femmes de ménage ou de réceptionniste. Elle avait besoin de plus.
Le seul moment où j’étais contente, c’est quand quelqu’un était triste, je parlais avec, il était content après. Quand je rentrais chez moi je me disais "ah! ça c’était une bonne journée".
La force et le talent d’Amanda rayonnaient déjà, mais elle ne le savait pas encore.
Son manque de confiance en elle amplifié par des problèmes d’anxiété cachait le meilleur de sa personnalité.
Grâce à un partenariat de l’organisme Montréal Autochtone avec le groupe communautaire L'Itinéraire qui gère un projet d’économie sociale, elle travaille à la journée au Café de la Maison ronde.
J’avais des problèmes d’anxiété, alors au début j’ai trouvé ça très difficile de travailler là parce qu’on travaille avec le public
, explique Amanda.
Ses craintes la poussaient à s’enfermer dans les toilettes, elle était nerveuse, mais l’expérience de travail lui a apporté l’assurance dont elle avait besoin.
C’est grâce aux personnes qui travaillaient là. Les conversations avec elles m’ont donné la chance d’améliorer ma confiance en moi.
Tout l’été, elle cuisine des indian tacos, des sandwichs sur pain bannique et les autres plats au menu du café.
Travailler dans un milieu autochtone a joué un rôle significatif pour elle. Il y a des gens comme moi, même si on a tous des différences culturelles.
Parce que, ajoute-t-elle les autres [non-Autochtones] ne comprennent pas nécessairement les enjeux et les défis que doivent relever les Autochtones
.
Travailler au café lui permet de mieux se connaître, d’approfondir les connaissances sur sa culture et lui donne la fierté d’être Autochtone. Ça a amené un changement [positif] dans ma vie.
La fermeture saisonnière du café ne devait pas mettre un terme aux progrès accomplis par Amanda et les autres participants, il fallait bonifier le programme d’employabilité démarré en juillet 2019 et pérenniser l’autonomisation des jeunes Autochtones en milieu urbain, ainsi est né le projet Intégration jeunes Autochtones.
Un tremplin pour les personnes autochtones vulnérables
Le directeur du développement et de l'impact social du magazine L’Itinéraire, Charles-Éric Lavery, supervise le fonctionnement du Café de la Maison ronde et le programme d’employabilité.
C’est aussi lui qui lance le projet d’autonomisation Intégration jeunes Autochtones. Selon lui, peu d’initiatives de ce type existent, « on a pris ça à cœur, on s’est dit "soyons les pionniers" ».
Son but : valoriser la personne, se concentrer sur ses besoins et ses ambitions en l’accompagnant tout au long du processus, que cela prenne trois semaines ou six mois, sans la contraindre à une certaine démarche
, précise Charles-Éric Lavery.
« Il y avait un besoin avant la pandémie, le besoin est encore et toujours là. »
En février, deux cohortes de neuf participants chacune prendront part au programme établi jusqu’en 2022.
Des participants envoyés par les partenaires, que ce soit Montréal Autochtone, Chez Doris ou le Foyer pour Femmes autochtones.
Les participants n’ont pas un lien de confiance avec le programme, mais bien avec l’organisme qui les réfère
, tient à préciser le directeur du développement et de l'impact social du magazine L’Itinéraire.
Simon Elutak Lefebvre participera au projet d’autonomisation. La pandémie et une blessure ayant contrecarré ses plans de retourner aux études faire un DEP en technique de scène, il profitera de ce programme pour consolider ses acquis tout en continuant à donner des spectacles avec le Cirque Hors piste, dont il est l’ambassadeur.
Quant à Amanda LaBillois, elle a trouvé sa voie et la confiance nécessaire pour la suivre.
Quand le Café de la maison Ronde a fermé à la fin de la saison 2019, Amanda a été invitée à travailler à la Coop du Milieu. Encadrée par une équipe de soutien, elle a participé à des ateliers, dont un consacré à diverses professions. La plupart des métiers ne l’intéressent pas, sauf celui d’infirmière. Une conversation avec l’une d’elles fera le reste.
À son travail, chez Médecins du monde, on cherche des navigateurs autochtones. Ceux-ci sensibilisent, orientent et accompagnent les itinérants, eux aussi autochtones, dans le réseau de la santé et des services sociaux. Amanda ne pensait pas être prête pour ça. Mais une journée d’information et de suivi sur le terrain a eu raison de ses inquiétudes.
Je sais que je suis capable de faire ça, si ça avait été il y a quelques années, j’aurais pensé que j’aurais été mauvaise dans ce poste.
La confiance acquise au Café de la Maison ronde, entre autres, a changé la vision des choses d'Amanda LaBillois. Elle a appris à essayer avant de dire non.
En poste depuis janvier 2020 avec l'ONG Médecins du monde, Amanda a laissé derrière elle son anxiété. Aujourd’hui elle fait des présentations devant des groupes, anime des ateliers sur les overdoses.
Je suis presque sans mots
, s’exclame Charles-Éric Lavery, se disant fier des accomplissements de la jeune femme.
On espère d’autres parcours comme celui d’Amanda et de Simon
, dit-il alors qu’il fignole les derniers détails au projet d’autonomisation des jeunes Autochtones en milieu urbain qui débutera le mois prochain.