Et pourquoi pas un Guide alimentaire autochtone?
Le Guide alimentaire canadien ne tient pas compte des problèmes complexes de l’insécurité alimentaire parmi les communautés autochtones, selon une étude de l'Université de Winnipeg.
Photo : Santé Canada
Le Guide alimentaire canadien tente d’encourager les gens à manger sainement tout en faisant une place aux aliments et plats de plusieurs provenances et cultures. Une chercheuse manitobaine affirme cependant que les recommandations qu'on y trouve sont hors de portée pour les gens à faible revenu et, en particulier, pour certains Autochtones.
Taylor Wilson, une étudiante à la maîtrise en développement des pratiques à l'Université de Winnipeg, a mené une étude sur le Guide alimentaire canadien, dont les résultats ont été publiés dans le Journal of Agriculture, Food Systems and Community Development.
Ses recherches, entamées cet été, sont basées sur une approche communautaire. Elles ont pour objectif de décoloniser le guide alimentaire
, explique-t-elle.
Le Guide alimentaire canadien a été renouvelé il y a près d’un an. Taylor Wilson estime que les recommandations qu'on y trouve ne sont pas réalistes pour les personnes membres de minorités visibles ou pour les Autochtones.
Le guide ne tient pas compte des problèmes complexes de l’insécurité alimentaire parmi les communautés autochtones, explique Taylor Wilson.
« Le guide est réaliste si tu ne vis pas dans une réserve autochtone, il est réaliste si tes finances se portent bien. »
Quand il a été publié, je me demandais comment moi, qui habite dans un centre urbain de Winnipeg, j'allais pouvoir respecter les recommandations
, dit-elle.
Si je vivais dans ma communauté d'origine, la Première Nation crie de Fisher River, il me serait tout simplement impossible de respecter les recommandations du guide alimentaire.
Elle reproche au guide de privilégier un approche nutritionnelle basée sur des perspectives occidentales
.
À lire aussi :
Dans la recherche, Taylor Wilson et la professeure Shailesh Shukla proposent aux communautés autochtones de développer leur propre guide alimentaire pour prendre en compte leurs besoins et leurs préférences.
Taylor Wilson espère mener un projet pilote en développant un guide alimentaire personnalisé pour la Nation crie de Fisher River.
Elle affirme que sa communauté éduque déjà les jeunes sur les pratiques ancestrales comme la pêche et la chasse, ce qui permet de conserver une alimentation plus traditionnelle, même si plusieurs ont aussi intégré à leur style de vie des pratiques alimentaires plus contemporaines.
Ils vont au magasin, se rendent jusqu'en ville pour y faire leur épicerie, dit-elle. Il y a encore beaucoup de gens qui ont une diète plus traditionnelle dans ma communauté, mais il faut revigorer ces pratiques.
L’accessibilité à la nourriture est un autre enjeu qu'elle a exploré. Le prix des aliments est plus élevé dans les communautés éloignées et les gens en situation de pauvreté ne peuvent acheter des aliments sains qui coûtent plus cher, rappelle-t-elle.
Ils savent qu'ils devraient manger mieux, dit-elle, mais comment y arriver? Et comment le faire sans que ça entre en contradiction avec leur mode de vie traditionnel?
L’eau, plus chère que les sodas
Le Guide alimentaire canadien recommande ainsi de préférer l'eau à tout autre type de boisson. Et ça me choque parce qu'il y a tellement de Premières Nations au Canada qui n'ont toujours pas accès à de l'eau potable
, rappelle-t-elle.
« La plupart du temps, l’eau coûte plus cher que le jus ou les sodas. Alors nous devons choisir nos batailles. »
Au pays, 61 Premières Nations sont toujours sous le coup d'avis à long terme de faire bouillir leur eau. Le gouvernement fédéral a promis de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à ces avis d’ici la fin de mars 2021.
Avec les informations de Marjorie Dowhos