Crise d’Oka : dans le bunker des journalistes

Un Warrior mohawk observe avec des jumelles des tanks de l'armée canadienne qui approchent.
Photo : The Canadian Press / Tom Hanson
Durant la crise d'Oka, des journalistes se retranchent dans le centre de désintoxication de Kanesatake, où se trouve les Warriors. Les militaires interdiront pendant de nombreux jours la circulation y compris pour le ravitaillement.
Je travaillais 16 heures par jour, on dormait à peine et ça repartait le lendemain. Il y avait de la tension dans l’air
, se souvient Hugues de Roussan, ex-journaliste à la radio de Radio-Canada.
Le centre de désintoxication, le Onen'tó:kon Healing Lodge se trouve, encore aujourd'hui, devant la pinède et le terrain de golf à Kanesatake.
C’était un grand bâtiment avec tout ce qu’il fallait pour faire de la nourriture. On dormait dans la pinède, à la belle étoile. Desfois, les Warriors nous laissaient entrer à l’intérieur
, se rappelle Ubald Bernard.
On était très peu de francophones. Les rapports avaient les Warriors étaient assez bons. On gardait nos distances. Il n'y avait pas de fraternisation. Ils savaient ce qu’on devait faire et ils ne nous associaient pas à l’armée non plus. Ils étaient plutôt contents de voir qu'il y avait des journalistes
.
Ils se disaient qu'avec des journalistes, l’armée ne ferait pas n’importe quoi, n’importe quand
Au début du mois de septembre, l'armée investit Kanesatake et encercle une quarantaine d'Autochtones après une violente nuit.
Il y a eu une grand fin de semaine de manoeuvre de l’armée, dont la fameuse confrontation entre le soldat Cloutier et Lasagne
, se souvient-il.
La photographe Shaney Komulainen, pigiste pour La Presse canadienne, capte un instant symbolique. Le face-à-face entre le Warrior Brad Freddy Kruger
Larocque (identifié à l'origine de façon erronée comme étant Ronald Lasagne
Cross) et un jeune soldat du 22e Régiment, Patrick Cloutier.
À un moment, l’armée a décidé que plus rien ne pouvait être transporté
, raconte Ubald Bernard.
On avait besoin de ravitaillement, de nourriture, de piles pour nos magnétophones ou nos téléphones cellulaires. Nos gens de Radio-Canada nous ont alors apporté de la nourriture, ou des effets qu’ils remettaient entre les mains des soldats qui eux, traversaient la route, les barbelés.
La question de fond, pas réglée
Des ratés, il y en a eu de nombreux
, soutient Ubald Bernard.
D’abord ça a été la tentative de construction sur un territoire que non seulement les Mohwaks revendiquaient, mais qui impliquait un cimetière
, dit-il.
Le miracle, c’est peut-être qu’il n’y a pas eu d’autres morts
Je ne pense pas que le fond de la question, les véritables problèmes entre les relations gouvernementales et les communautés autochtones, qu’on a réglé ça
, soutient Hugues de Roussan.
Il y a eu du progrès, mais la question des terres et à qui elles appartiennent, ce n'est pas réglé 30 ans plus tard
, conclut-il.