La recherche universitaire autochtone en plein bouillonnement
Le savoir autochtone était à l'ordre du jour d'un forum organisé au campus de Rouyn-Noranda de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) en 2017.
Photo : Radio-Canada / Guillaume Rivest
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le magazine Québec Science publiait, au début d'avril, un dossier spécial sur la recherche autochtone, en partenariat avec le réseau de l’Université du Québec. Le dossier met en lumière la difficile et longue intégration des principaux intéressés dans les travaux les concernant.
L’Université du Québec est très respectueuse de l’indépendance de Québec-Science
, dit d’entrée de jeu la rédactrice en chef du magazine, Marie Lambert-Chan, pour préciser le rôle de l’établissement universitaire dans la préparation de ce dossier particulier (Nouvelle fenêtre).
Si l’idéation et les thèmes ont été choisis de concert avec le comité consultatif de l’université, les journalistes avaient ensuite carte blanche.
Je suis assez satisfaite de la tournure du "dossier"
, commente Cyndy Wylde, qui est chargée de cours dans plusieurs établissements de l’Université du Québec. On y couvre plein d'aspects importants, je dirais même cruciaux, afin d'intéresser la relève à se réaliser aux études supérieures.
Elle cite en exemple la décolonisation de la recherche, la présence d'enjeux contemporains tels que l'appropriation culturelle, la présence des langues autochtones, l’accent sur le "ici et maintenant" au lieu de seulement se pencher sur les traumatismes passés, le leadership féminin, etc.
De l’ère sur
à l’ère par, pour et avec
les Autochtones
Ce que les lecteurs devraient retenir de ce dossier spécial, dit Marie Lambert-Chan, c’est que la recherche autochtone est en pleine ébullition, mais qu’il reste encore énormément de choses à faire pour la faire avancer
.
Des constatations s’imposent : Il n’y a pas encore suffisamment de professeurs-chercheurs d’origine autochtone, juste cela c’est le signal qu’il faut en faire davantage
, spécifie la rédactrice en chef de Québec Science.
Il faut aussi reconnaître que le travail de recherche sur le terrain doit se faire dans l’accueil et la réciprocité
, dit-elle en citant Monique Bernier, chercheuse au Centre Eau Terre Environnement de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) : « Quand on va au Nunavik, on n’est pas chez nous! » (article Entraide au nord du 55e parallèle
).
C’est le fil conducteur dans ce dossier
, ajoute Mme Lambert-Chan. Tout le monde est gagnant dans ce changement de paradigme
, souligne-t-elle en insistant sur le fait qu’il y a encore beaucoup à faire. La communauté scientifique travaillant dans ce domaine reconnaît que l’avancement du savoir ne peut se faire sans les voix autochtones.
Comme femme autochtone, je vois tout cela comme de l'empowerment [autonomisation], ajoute Cyndy Wylde, des outils pour retrouver sa place dans la société.
Elle précise encore : Pour les gens qui connaissent peu l'apport de toutes ces initiatives universitaires, je pense que cela permet d'avoir plusieurs informations afin de se faire une idée plus claire sur le bien-fondé de ces mesures
.
« Pour les Autochtones, cela illustre les formes possibles de sécurisation culturelle dans le milieu universitaire. »
Dans Premiers peuples : pour des universités inclusives
, l’article qui lui est consacré, Mme Wylde aurait aimé entendre d’autres voix, par exemple celle de Caroline Nepton-Hotte, doctorante et chargée de cours au Département de sciences des religions de la Faculté des sciences humaines à l’UQAM.
Mais aussi celles de Jinny Thibodeau Rankin, Ghislain Nequado, Lise Kistabish ou Edith Bélanger, tous des finissants de deuxième cycle à l’École nationale d'administration publique (ENAP).
L'étudiant autochtone qui débute peut se sentir intimidé par le 3e cycle
, explique-t-elle. On donne des exemples d'Autochtones qui réussissent bien aux études supérieures et c'est génial, mais tout Autochtone qui voudrait entreprendre des études universitaires devrait se sentir interpellé... voire pouvoir se projeter dans les études avant le 3e cycle.
Sur les réseaux sociaux, la réaction d’étudiants autochtones au baccalauréat et aux cycles supérieurs ou de jeunes chercheurs à la lecture des six articles de ce dossier spécial est bonne, tient à souligner Marie Lambert-Chan, parce que c’est une reconnaissance, c’est de dire on entend vos voix, vous êtes importants à l’avancement du savoir
.
Aurait-il été intéressant de demander à un chercheur autochtone de signer un article? Dans la tradition du magazine scientifique, tous les articles sont signés par des journalistes scientifiques
, répond Mme Lambert-Chan.
Elle soutient que c’est le rôle des journalistes de croiser les diverses sources et de proposer ces différentes visions à l’intérieur d’un même article pour donner un panorama le plus riche possible à nos lecteurs
.