ChroniqueQuel Québec pour les Autochtones?

Le premier ministre François Legault a présente ses excuses aux peuples autochtones dans la foulée du dépôt du rapport Viens, le 2 octobre 2019.
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Prenez note que cet article publié en 2020 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Je commence l’année quelque peu en colère. Déçue. Amère. J’aimerais qu’il en soit autrement.
J’aimerais me réjouir de relations respectueuses, renouvelées, entre les Autochtones et le gouvernement du Québec. J’aurais aimé croire aux excuses du premier ministre Legault envers les Autochtones cet automne. En fait j’y ai cru, mais pas longtemps.
Ça ne me dit rien de me plaindre encore une fois ou de vous expliquer dans le détail le pourquoi de mes sentiments. En fait, si j’avais chroniqué en 2000 ou en 2010, j’aurais probablement pu ressortir une vieille chronique, changer le nom du premier ministre et du ministre aux Affaires autochtones, un numéro de loi, et le tour aurait été joué.
Parce que c’est toujours la même chose. Les rapports d’enquête s’accumulent vraisemblablement quelque part sur une tablette. Du moins du côté des politiciens. Heureusement qu’un peu plus bas dans la hiérarchie, il y a des gens qui écoutent.
Et puis il y a les guerres constitutionnelles, la chaise fédérale, tantôt bleue, tantôt rouge, puis la chaise provinciale, dans les mêmes couleurs, sur tons dégradés. Entre les chaises se retrouvent un peu plus de 100 000 Autochtones au Québec.
Je pourrais relever les faux pas de la ministre D’Amours ou du premier ministre Legault, ça servirait à quoi? Dans quatre ans je serai devant mon écran à écrire le même texte avec de nouveaux noms, ou les mêmes frustrations avec les mêmes noms. Je pourrais vous parler de la contestation de la Loi C-92 (NDLR Qui vise à céder le contrôle de la protection de l'enfance aux communautés autochtones et que Québec conteste), des caribous, des occasions ratées, de l’incompréhension des réalités de l’un et peut-être de l’autre.
Le côté lumineux
Ce dont j’ai plutôt envie de vous parler ce sont des réalités dans les communautés autochtones. La vraie affaire. Parce qu’il y a d’indiscutables belles choses qui s’y passent. Parce qu’on y retrouve la tranquillité et le temps en suspens des petits villages éloignés, parce que tout le monde se connaît avec ses bons et ses mauvais côtés, parce que les grands-mères savent étreindre comme nulle autre, parce qu’on se sent aimé.

À Wemotaci, un programme permet aux étudiants de suivre une formation professionnelle en charpenterie-menuiserie directement dans la communauté.
Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme
Parce qu’il y a encore des silences, de la neige blanche et des arbres en quantité dont certains ont perdu une partie de leur écorce pour en faire des paniers. Parce qu’on sent partout la fumée des feux qui illuminent les cours extérieures même en hiver. Parce que dans le décor des maisons se mélangent les époques qui racontent l’histoire du village. Parce qu’on trouvera toujours à manger quelque part malgré une certaine précarité. Et surtout parce que les rires se font entendre comme nulle part ailleurs.
Et puis il y a le reste, le côté plus sombre. Les bouteilles qui s’entassent, la poudre blanche sur les tables, les cordes accrochées ou les pots de pilules près du lit. Les cris de l’un ou les silences de l’autre. Les poissons qu’il ne faut plus manger, les animaux qui se font rares et les rivières détournées.
Entre ces deux pôles, il y a l’espoir que les choses changent. Qu’on ne se sente plus écarté, pour ne pas dire écartelé. Il y a surtout des hommes et des femmes qui travaillent comme ils peuvent pour faire sourire un enfant, apaiser une mère, guider un adolescent, nourrir ceux qui n’ont rien, transmettre une tradition.
Ces gens-là n’ont pas toujours un titre, ils ne sont pas politiciens. Ils sont artistes, porteurs de traditions, aînés, activistes sans le sou, mamans, papas ou encore l’unique personne qui a réussi à décrocher son diplôme d’études collégiales dans la communauté. Ils veulent, comme tout le monde, que les leurs aient une bonne vie. Parce qu’ils sont conscients de la fragilité qui les entoure. Parfois, ils doivent se battre contre les injustices et, souvent, ils passent plus de temps à se battre qu’à redonner. Et là, ils se retrouvent perdus. Parfois, c’est eux qu’on doit soutenir.
Et rarement, il y a une politique, un programme, une initiative ou une loi qui viendra changer les choses. Vraiment je veux dire. Et tout ce qu’on se dit dans ce temps-là c’est : « Enfin! Les choses seront mieux ».
Jusqu’à ce qu’un gouvernement, un ou une ministre ou même un homme d’affaires influent décide que leurs intérêts passent devant ce qui aurait pu rendre la vie plus belle dans les communautés ou sur les territoires. Parfois, on est fatigué d’être habitué.
Là on se sent quelque peu en colère, déçu, amer. Et tout est à recommencer.
J’en suis à écrire ces lignes que je crois être les dernières quand un pop-up m’apprend que la ministre responsable aux Affaires autochtones, Sylvie D’Amours, a discrètement – et temporairement – quitté ses fonctions pour être remplacée par Benoît Charrette, ministre de l’Environnement. On ne sait pas pourquoi la ministre D’Amours a dû s’effacer. En espérant fortement que ce ne soit pas pour des raisons de santé.
Si j’avais un souhait pour l’année qui commence, ce serait d’aborder la politique avec davantage d’humanité, d’ouverture et de sagesse. La paix vaut parfois mieux que d’avoir raison. Alors peut-être que dans dix ans, celle ou celui qui écrira cette chronique pourra changer l’histoire au lieu de changer les noms.