Les femmes autochtones sont 11 fois plus à risque d'être interpellées par le SPVM

10 % des Autochtones interpellés ont chacun subi entre 6 et 10 interpellations entre 2014 et 2017.
Photo : Radio-Canada / Simon-Marc Charron
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Un rapport de chercheurs indépendants rendu public lundi montre que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a interpellé sept fois plus de personnes autochtones en 2017 qu’en 2014. Parmi elles, les femmes sont le plus à risque d’être visées.
Globalement, le nombre d’interpellations policières a explosé à Montréal, passant de moins de 19 000 en 2014 à plus de 45 000 en 2017. Au cœur de cette montée en flèche, les Autochtones comptent parmi les plus ciblés avec les populations arabes et sud-asiatiques. Le nombre d’interpellations auprès de personnes autochtones est passé de 173 à 1149 sur cette période.
Une population face à l’attention disproportionnée
du SPVM
Les auteurs du rapport, les chercheurs Victor Armony, Mariam Hassaoui et Massimiliano Mulone, mandatés par la Ville de Montréal, ont également calculé que les personnes autochtones et noires ont entre « quatre et cinq fois plus de chances d’être interpellées que les personnes blanches ». Pour les femmes, les probabilités montent à 11 fois plus.
La situation a changé drastiquement. En 2014, les Autochtones avaient deux fois plus de chances d’être interpellés que les personnes blanches. Les auteurs en concluent que la relation entre les Autochtones et le SPVM est singulière.
Ils pointent notamment le fait que, contrairement aux autres populations évaluées, le nombre de contraventions émises aux personnes autochtones (5184) est plus élevé que le nombre total de personnes autochtones interpellées par le SPVM (2369). Ces chiffres prouvent que certains font face à plusieurs interpellations chaque année.
Les chercheurs soutiennent donc que les Autochtones sont une petite population à l’échelle de la ville, qui reçoit une attention disproportionnée
de la part du SPVM. Ils évoquent une fréquence d’intervention policière « démesurée » à leur encontre, confirmant ce que déplorent plusieurs organismes montréalais. Ces derniers dénoncent depuis de nombreuses années la criminalisation des itinérants autochtones.
Les interpellations peuvent être l'occasion pour les policiers d'exercer un rôle social, de prendre connaissance de l'état de santé des interpellés. Mais selon les auteurs, « les fortes disproportions au sein de la population sont difficilement explicables par un hypothétique élan de surprotection de la police à leur égard [des Autochtones] ».
Les chercheurs arguent que les Autochtones sont ciblés par « cette mesure de judiciarisation qui semble contradictoire avec l’idée d’une intervention plus humanitaire que punitive ».
34 % de toutes les contraventions municipales émises à des personnes autochtones concernent la consommation d’alcool ou de drogue sur la voie publique, comparativement à une moyenne de 20 % pour l’ensemble de la population.
Une équipe pour mieux comprendre les femmes autochtones
Après les constats, les chercheurs énoncent leurs recommandations. Ils réclament plus de minorités racisées, et donc plus d’Autochtones, au sein du corps de police montréalais.
Lors du recensement de 2016, on comptait 1 673 785 Autochtones au Canada, soit 4,9 % de la population totale. Au sein du SPVM, ils représentent 0,5 % des policiers permanents, tous grades confondus.
Par ailleurs, les chercheurs conseillent au SPVM de faire des efforts pour mieux interagir avec la population autochtone. Pour y arriver, ils recommandent de mandater une équipe de recherche indépendante afin d’étudier leurs interventions, particulièrement celles qui visent des femmes.
« Des actions sont nécessaires afin de développer une formation sur la discrimination systémique dans les programmes en techniques policières et à l’École nationale de police. Il faudrait établir des repères qui permettent de mieux distinguer les interventions à visée répressive [...] des interventions auprès d’une population autochtone en situation de vulnérabilité, et en s’attardant aux conditions particulières des femmes autochtones en milieu urbain. »
Si les auteurs notent que même si des formations sont données au SPVM sur « les réalités autochtones » et le profilage racial (d’une durée de 7 h pour les patrouilleurs), leur impact est difficile à évaluer. Ils admettent cependant qu’elles participent à une prise de conscience essentielle à toute réforme.
Le SPVM n'était pas en mesure de répondre à nos questions cette semaine.
Le rapport a été réalisé par Victor Armony, chercheur au Département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal, par Mariam Hassaoui, de l’Université TELUQ et par Massimiliano Mulone, de l’École de criminologie de l’Université de Montréal.