Amazonie : les Autochtones dans la ligne de mire du gouvernement brésilien

Une vue aérienne montrant un village de la communauté autochtone Yanomami d'Irotatheri situé au cœur de l'Amazonie, à la frontière du Brésil et du Venezuela.
Photo : Reuters / Carlos Garcia Rawlins
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
L'arrivée au pouvoir en janvier du président Bolsonaro, climatosceptique notoire, a suscité de nombreuses craintes au sujet de l'avenir de la forêt amazonienne, considérée comme le « poumon de la planète ».
« La rapidité avec laquelle ces zones sont déforestées est choquante, mais malheureusement prévisible, en raison de la politique anti-environnementale » menée par Bolsonaro, a déclaré Carlos Rittl, directeur du réseau d'ONG Observatoire du Climat.
Mardi soir, le directeur de l'Institut national de recherche spatiale (INPE) a été limogé par le président, qui a accusé l’organisme public de diffuser des données « mensongères et au service des ONG ». Le directeur limogé avait indiqué que la déforestation en juillet 2019 avait été quasiment quatre fois supérieure à celle de juillet 2018.
Le gouvernement a nommé dans la foulée un nouveau directeur par intérim, un militaire sommé désormais de présenter au président Bolsonaro toute nouvelle donnée avant de la rendre publique.
« Le capitaine tronçonneuse »
L'ex-capitaine de l'armée envisage notamment d'ouvrir à l'exploration minière les territoires réservés aux populations autochtones, sous prétexte « d'intégrer les indigènes à la société » sans les laisser « confinés comme dans un zoo ».
Pour l'ONG Survival International, ce genre de propos a stimulé « l'invasion » du territoire de la tribu Yanomani, au nord du Brésil, par des orpailleurs illégaux « qui propagent la malaria et contaminent des rivières avec du mercure ».
Mardi, Jair Bolsonaro, 64 ans, a évoqué avec ironie la façon dont il est vu à l'étranger. En dehors du Brésil, je suis le capitaine tronçonneuse
a-t-il affirmé devant un parterre de chefs d'entreprises.
Jusqu'au mois d'avril, la déforestation se maintenait à un niveau similaire à celui des dernières années. Mais elle a augmenté de façon exponentielle ces derniers mois: 738,4 km2 en mai (+34 % par rapport au même mois en 2018), 931,7 km2 en juin (+90,7 %) et 2254,8 km2 en juillet (+277,9 %).

Des Autochtones de la nation Yanomami à l'extérieur de leur cabane de la jungle amazonienne située dans l'État de Roraima, au nord du Brésil.
Photo : Reuters / Gregg Newton
Le ministre de l'Environnement Ricardo Salles a cependant affirmé mercredi devant une commission parlementaire que ces données étaient le fruit d'interprétations sensationnalistes de médias
.
M. Salles a pour sa part annoncé qu'il se rendrait dans plusieurs pays européens en septembre pour « montrer le vrai Brésil », assurant qu'il disposait « d'un plan » pour lutter contre la déforestation.
Jair Bolsonaro lui-même a qualifié lundi de « mauvais Brésiliens » ceux qui « osent faire campagne avec des données mensongères sur notre Amazonie ».
Il faut en finir avec ça et montrer au monde que le gouvernement a changé. Nous avons la responsabilité de faire en sorte que l'Amazonie continue à nous appartenir, sans renoncer à l'exploiter en respectant les préceptes du développement durable
, a-t-il ajouté.
Paradoxalement, cette mauvaise réputation du Brésil en termes de protection de l'environnement commence à inquiéter le secteur de l'agroalimentaire, qui s'était pourtant révélé un précieux soutien de Bolsonaro lors de la présidentielle d'octobre.
Mais les exportateurs de biens agricoles craignent que leurs produits se vendent moins bien à l'étranger, d'autant plus que l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur prévoit des garde-fous environnementaux.
Roberto Brandt, un des responsables de la Confédération Nationale de l'Agriculture, a affirmé mardi que le discours de Bolsonaro « portait préjudice » à l'image de l'agroalimentaire.
À quoi ça sert de parler de chercher de l'or en terres indigènes ? Le gouvernement devrait plutôt parler de méthodes pour surveiller la déforestation en Amazonie
, a-t-il conclu.