Yändata’ : créer par et pour les Autochtones

Philippe Sioui Durand est le fondateur de Yändata', une maison de production autochtone.
Photo : Radio-Canada / Gabrielle Paul
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Offrir des outils médiatiques aux entreprises autochtones créés par des Autochtones, c’est ce que souhaitait faire le Wendat Philippe Sioui Durand lorsqu’il a fondé, en 2016, la maison de production Yändata’.
Yändata’, signifie « rassemblement de maisons longues » en langue wendat. « C’est l’esprit communautaire, l’esprit de rassemblement », explique le fondateur de l’entreprise, Philippe Sioui Durand.
Chaque geste dans la création de ce projet est autochtone le plus possible.
Diplômé en radio au programme arts et technologies des médias du Cégep de Jonquière, Philippe Sioui Durand a également fait des études universitaires en musique, en cinéma, en gestion et en anthropologie.
« J’ai cherché pendant un bon bout comment je pouvais lier mes origines familiales […] et mes expériences professionnelles », dit-il.
Il faut dire que le milieu artistique et médiatique est une affaire de famille chez les Sioui Durand. Philippe est le fils de Guy Sioui Durand, sociologue de l’art et commissaire indépendant, et il est le neveu d’Yves Sioui Durand, cofondateur des productions Ondinnok.
« Assez jeune j’ai été habitué à aller voir des performances d’arts, donc c’est sûr que ça a teinté mon regard, dit-il. L’art […] m’a ouvert les yeux assez jeune. »
Avec Yändata’, il souhaitait d’abord offrir des ateliers de formation en production médiatique, « mais il manquait un petit quelque chose », convient Philippe Sioui Durand.
« En montant le plan d’affaires […] on s’est dit : pourquoi ne pas carrément devenir une compagnie de production? Pourquoi ne pas produire, pas juste former, mais produire des projets? » dit-il.
Pour l’instant, les employés de l’entreprise travaillent à titre de pigistes, mais Philippe Sioui Durand veut bâtir une équipe permanente composée d’Autochtones.
Yändata’ embauche déjà des Autochtones issus des nations anichinabée, malécite, atikamekw et huronne-wendat.
Philippe Sioui Durand est entre autres appuyé par sa conjointe, Jacynthe De Rocker, une Abénaquise, qui l’aide pour les tâches administratives, et la création du logo de l’entreprise a été confiée à l’Atikamekw Terry Randy Awashish.
Un succès précoce
Philippe Sioui Durand a été étonné du nombre de demandes que sa jeune entreprise a reçues. « Nous avons deux, trois mandats en même temps », affirme-t-il.
Yändata’ a produit l’identité visuelle et les publicités pour l’édition 2019 du festival Présence autochtone. Les publicités seront entre autres diffusées sur les ondes d'APTN. L'entreprise de Philippe Sioui Durand a également bonifié la projection sur le bâtiment de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) pendant le festival.
La maison de production a aussi été chargée de la captation de l’événement StartUP Nations qui a eu lieu à l’Université Concordia en mai.
L'an dernier, Yändata' a conçu les projections visuelles pour la pièce Tlakentli du théâtre Ondinnok, qui a été présentée à la Place des Arts.
En plus de travailler avec Montréal Autochtone et la Boîte rouge vif, Yändata’ collabore également avec des commissions de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, soit celles de la santé et des services sociaux (CSSSPNQL) et du développement économique (CDEPNQL).
Le fondateur de l’entreprise située à Montréal, et qui se concentre présentement sur le milieu urbain, souhaite que ses services soient à terme disponibles même aux communautés éloignées.
« C’est pas parce que tu es dans une communauté éloignée que tu ne peux pas avoir des outils de communication professionnels et à jour », croit M. Sioui Durand.
Un parcours non sans embûches
« Vouloir engager à majorité autochtone c’est plus difficile que je pensais », confie l’entrepreneur. C’est que certains emplois en production ne peuvent simplement pas être comblés par un Autochtone.
Par exemple, Yändata’ n’a pas réussi à trouver de motion designer [animateur graphique] issu des Premières Nations. « C’est qu’il n’y en a juste pas encore », dit M. Sioui-Durand.
Je veux être le premier à engager un motion designer autochtone.
C’est ici que l’aspect de la formation devient important pour le jeune entrepreneur. « Si je trouve quelqu’un qui a du potentiel, j’aimerais ça qu’on le fasse progresser. »
« C’est un défi constructif, c’est un défi positif […] il faut trouver un équilibre entre la professionnalisation et le rendement. »
Être une entreprise autochtone s’est aussi avéré être un défi pour le financement.
« Il y a moins d’écoute quand tu es une entreprise autochtone auprès d’institutions financières, dit le fondateur de Yändata’. C’est plus difficile d’avoir du crédit, d’avoir de l’aide. »
Un modèle entrepreneurial différent
Ce n’est pas seulement dans le choix des projets et l'embauche d'employés que Philippe Sioui Durand veut faire de la place aux Autochtones, mais également dans son mode de gestion.
« Je veux amener un mode de gestion autochtone, un mode circulaire, des cercles de pensée, des cercles de décisions, explique-t-il. Idéalement, tout le monde dans la compagnie serait partie prenante des décisions. »
« Des gens me demandent pourquoi je n’ai pas décidé de faire un OBNL [organisme à but non lucratif], relate-t-il. Je voulais prouver qu’une entreprise classique pouvait arriver avec de fortes valeurs sociales et une façon de faire différente. »
Même si le modèle d’entreprise classique exige d’être en compétition avec ceux qui ont des offres similaires, Philippe Sioui Durand est loin de vouloir se faire des ennemis.
Les autres compagnies de production, je les considère comme des alliées, on travaille tous pour l’amélioration de la cause autochtone.
« Ce que j’aimerais c’est qu’on fasse un front commun pour qu’on puisse se mettre ensemble et partager les ressources », espère-t-il.
M. Sioui Durand, tirant ses inspirations de médias tels que Vice et Urbania, ne ferme pas la porte à ce que son entreprise se lance dans la production de son propre contenu.
« [Yändata’ pourrait avoir] sa propre série web, un magazine ou un blogue, énumère-t-il. Sky is the limit. »
À lire aussi :