Le collectif inuit Isuma prêt pour la Biennale de Venise

Une scène de « One Day in the Life of Noah Piugattuk ».
Photo : Isuma/Levi Uttak
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le collectif d'artistes inuits Isuma en est aux derniers préparatifs en vue de la 58e Biennale de Venise, qui lancera ses activités publiques samedi. L'avant-première médiatique avait lieu mercredi au pavillon du Canada, restauré dans les dernières années au coût de 3 millions de dollars.
La Biennale de Venise est la seule exposition internationale d'arts visuels où le Canada délègue une représentation officielle, et c’est la toute première fois qu’il choisit un groupe inuit.
Basé à Igloolik, Isuma est aujourd’hui dirigé par Zacharias Kunuk et Norman Cohn, deux de ses quatre membres fondateurs, les autres, Paul Apak Angilirq et Pauloosie Qulitalik, étant décédés. La première maison de production vidéo inuite indépendante au Canada, fondée en 1990, s’est depuis diversifiée, mais elle réalise toujours du matériel vidéo.
Isuma présentera à Venise un projet en trois parties : One Day in the Life of Noah Piugattuk, une installation vidéo de son plus récent film; Isuma en ligne, un ensemble de films inuits et d’autres productions en langues autochtones offerts sur iTunes et IsumaTV, et Silakut Live from the Floe Edge, une série de webdiffusions en direct depuis le territoire entourant l’île de Baffin.
La nouvelle réalisation de M. Kumuk, One Day in the Life of Noah Piugattuk (Une journée dans la vie de Noah Piugattuk), recrée une rencontre fatidique survenue en avril 1961 sur l’île de Baffin. Une famille avait alors reçu l’ordre de quitter sa terre ancestrale pour aller rejoindre une communauté. Le tournage s’est déroulé sur l’île au cours de l’année dernière.
En voici un extrait, en inuktitut, sous-titré en anglais :
« En luttant contre les traumatismes historiques persistants, la pratique d’Isuma réhabilite les récits, la langue et les traditions [des Inuits] et les valorise », ont affirmé les commissaires de l’exposition, Asinnajaq, Catherine Crowston, Barbara Fischer, Candice Hopkins et Josée Drouin-Brisebois.
« La présentation des artistes à Venise propose des modèles d’inclusion et de démocratie numérique, ont-ils ajouté. Nous pensons que ces œuvres médiatiques, qui lient entre eux les impacts sociaux, culturels et politiques de la dislocation, trouvent une résonance particulière dans le présent, à une époque qui permet une grande mobilité à quelques privilégiés, mais qui est porteuse de bouleversements forcés pour beaucoup. »
Tradition orale et technologie
« Comme notre population a une tradition orale, rien n’est consigné par écrit, nous tirons nos enseignements de ce que nous voyons », explique Zacharias Kunuk.
« Tu regardes comment ton père répare le harpon et tu apprends, illustre-t-il. Pour le moyen d’expression que j’utilise maintenant, ça a été la même chose. Histoire orale et nouvelle technologie vont de pair. »
J’essaie par mes vidéos de raconter comment nous avons vécu. Nous tentons de préserver cette authenticité pour que d'ici 100 ans, quand les membres de nos communautés verront nos films, ils sauront comment faire.
Son camarade Norman Cohn ajoute : « Pendant 30 ans, des centaines de personnes ont uni leurs efforts pour contribuer à nos films par leur savoir-faire qui s’exprimait dans des vêtements et des outils faits à la main, des igloos et des chansons et des acteurs ont redonné vie aux souvenirs de leurs ancêtres dans des récits expérimentaux captés sur vidéo. »
Un comité national d’experts en art contemporain avait annoncé en décembre 2017 avoir choisi Isuma pour représenter le Canada à la Biennale de 2019. Les expositions canadiennes présentées dans le cadre de ce prestigieux événement sont organisées par le Musée des beaux-arts du Canada, en partenariat avec le Conseil des arts du Canada.

Une partie de l'installation vidéo d'Isuma, au pavillon du Canada.
Photo : Musée des beaux-arts du Canada et Isuma Distribution/Francesco Barasciutti
Renommée et implication
Isuma, qui signifie « penser » en inuktitut, s’est fait connaître à l’échelle planétaire avec le film Atanarjuat, la légende de l'homme rapide (Atanarjuat : The Fast Runner).
Lancé en 2001, le long métrage de Zacharias Kunuk avait attitré l'attention à l'occasion de plusieurs festivals, obtenant la Caméra d'or au Festival de Cannes et triomphant aux prix Génie du cinéma et de la télévision canadiens.
Téléfilm Canada l’avait aussi choisi pour représenter le pays aux Oscars. Il n’avait toutefois pas été retenu pour une nomination.
Les autres projets d'Isuma comprennent le long métrage de fiction Traqueurs (Maliglutit), le premier long métrage en langue haïda, Edge of the Knife, et la série télé Hunting with my Ancestors.
Très impliqué dans sa communauté, le collectif a par ailleurs lancé en 2008 IsumaTV, premier site web d’arts médiatiques autochtones au monde, et fondé en 2012 le réseau Digital Indigenous Democracy, destiné à promouvoir la participation des Inuits dans l'exécution de projets affectant leurs territoires.
Il a aussi contribué à mettre sur pied en 1991 le Nunavut Independent Television Network (NITV), un centre d’arts médiatiques inuit, et, en 1998, Artcirq, un collectif d’arts circassiens destiné aux jeunes.