Kanata continue de diviser la critique française

La première de la pièce Kanata de Robert Lepage a eu lieu à Paris, le samedi 15 décembre.
Photo : Courtoisie/Théâtre du Soleil
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Peu inspirée pour les uns, enquête bien menée pour les autres, la pièce Kanata présentée depuis le 15 décembre dernier à Paris suscite des opinions partagées de la part de la critique française.
Le journaliste culturel du quotidien La Croix, Jean-Claude Raspiengeas, a d’abord rappelé à ses lecteurs dans un papier publié le 8 janvier le contexte de création de cette production censée éclairer le public sur le « génocide culturel » à l'encontre des Premières Nations du Canada.
« Le grand dramaturge québécois Robert Lepage ambitionnait de porter sur scène cette tragédie, sans avoir pris la précaution d’y associer et de mettre en scène des artistes autochtones », écrit Jean-Claude Raspiengeas, qui est loin d’être entièrement satisfait de la proposition artistique de Robert Lepage, rebaptisée Kanata – Épisode 1 – La controverse.
Pour le journaliste, la pièce, présentée à Paris jusqu'au 17 février prochain, souffre d’un « accouchement au forceps », probablement comme conséquence de la polémique qui a éclaté à Montréal à l’été 2018. Il en résulte « un rythme faux, une distribution inégale, des dialogues trop souvent banals et une interprétation empesée ».

Une scène de la pièce « Kanata »
Photo : Courtoisie/Théâtre du Soleil
Même son de cloche dans les pages de L’Humanité où la critique de théâtre Marina Da Silva n’a pas été convaincue par le sens du questionnement abordé dans la production.
« On reste sur sa faim pour ce qui relève des éléments de contextualisation… on aurait aimé en apprendre plus sur le déploiement et les ravages de ce colonialisme canadien », déplore Marina Da Silva dans son article publié le 7 janvier.
De plus, la journaliste du quotidien de gauche s’insurge contre le fait que, dans le programme distribué aux spectateurs, Robert Lepage ait coiffé son entretien du titre « Le théâtre donne une permission de jouer l'autre »; elle conclut :
Est-il si difficile d'entendre qu'il n'est pas forcément légitime de parler à la place de l'autre, que les gens en ont assez d'être des objets parlés et veulent être des sujets parlants; qu'ils aspirent à ce que l'on fasse avec eux et non pas sur eux, sans eux.
Des propos qui rejoignent ceux de la journaliste culturelle du New York Times, Laura Cappelle, qui avait titré sa critique du 15 décembre par « Le dramaturge Robert Lepage joue aussi la victime ».
Des critiques partagées
Réalisation « peu inspirée » pour Libération, « spectacle magistral et sombre » pour Le Figaro ou « inabouti, mais prometteur » pour Le Monde, les premières critiques des journaux généralistes n’ont pas été unanimes quant à la qualité artistique de l’œuvre.
Dans une chronique signée le 5 janvier, Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction du Télérama, se porte à la défense de Robert Lepage et d’Ariane Mnouchkine, dont elle salue « la lutte et l'engagement ».
Le magazine Histoire abonde dans le même sens et craint « le risque de dérive identitaire et communautaire de mouvements contestant la liberté de création et revendiquant le monopole d'une parole autorisée sur le passé ».
Quant à la version française du site Atlantico.fr, elle reste en dehors de la polémique, se contentant de louer le savoir-faire du dramaturge qui offre « une enquête bien menée ». Même si la publication mise en ligne le 8 janvier regrette son allure « un peu carton-pâte », elle considère que la production touche par son « aspect documentaire historique ».
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