Plus question d’exploiter les ressources naturelles sans un partenariat avec les Autochtones
La centrale Romaine-3
Photo : Radio-Canada / Laurence Royer
Les ententes entre les entreprises et les nations autochtones doivent dorénavant être abordées comme des traités de partenariat. C'est fini le temps où les nations autochtones acceptaient l'extinction de leurs droits en retour d'une compensation financière. Il faut que ces ententes contiennent maintenant des aspects durables en termes de revenus et de création d'emplois pour les communautés. Voici quelques exemples.
Les Innus de Uashat mak Mani-Utenam ont signé une entente en 1994 avec Hydro-Québec qui a mené à l’aménagement hydroélectrique de la Sainte-Marguerite 3 (SM3) sur le territoire traditionnel des Innus que nous appelons le Nitassinan. Il s’agit d’un immense complexe. Il est composé d’une centrale et d’un barrage érigés sur la rivière Sainte-Marguerite d’une puissance de 884 MV.
Le principal défi pour les autorités innues a été d’expliquer et de faire accepter le projet à ses membres, un exercice difficile. Normal : les Innus ont une certaine méfiance quand il s’agit de permettre l’exploitation des ressources naturelles sur leur territoire. Ils réclament d’ailleurs 900 millions de dollars à la minière IOC pour l’exploitation sans leur accord du gisement de fer de Schefferville.
Il a fallu deux référendums pour que le conseil Innu Takuakan Uahat mak Mani-Utenam ait le mandat de signer une entente avec Hydro-Québec. Les traditionalistes avaient alors mené des campagnes efficaces contre ce projet.
L’accord prévoyait un versement initial couplé à des dividendes annuels pendant cinquante ans. L’entente garantissait aussi des postes à des travailleurs de la communauté en plus de favoriser des contrats de gré en gré entre Hydro-Québec et les entreprises innues.
Les ententes de répercussions et avantages
Cet accord a été signé dans le cadre du programme d’« entente de répercussions et avantages » (ERA). C’est un programme spécifique qui vise à favoriser des ententes entre les nations autochtones et les entreprises qui ont l’intention de développer des projets dans les territoires des premiers peuples.
Pour les Innus, il s’agit de facto d’une reconnaissance des droits des nations autochtones sur le Nitassinan.
Plusieurs nations ont signé ce genre d’entente. C’est le cas des Innus du Labrador dans le cadre du projet d’une mine de nickel à Voisey Bay.
Les Cris ont fait de même avec un projet de mine de diamant.
Quant aux Inuits, ils ont signé une entente avec Raglan, une minière. Au 31 octobre 2018, il y avait 241 employés inuits, représentant 22,3 % de la main-d’œuvre. Le comité de suivi de la mine est composé moitié-moitié par des représentants des Inuits et de la compagnie.
Selon le directeur général de la Société de développement économique de Uashat-Maliotenam, Ken Rock, « ces ententes sont des leviers du développement économique des communautés ».
Ken Rock cite l’exemple de la communauté Ekuantshit (Mingan) qui a signé une entente avec Hydro-Québec qui a permis à la communauté de connaître le plein emploi pendant toute la durée du projet de La Romaine. De plus Ekuantshit a obtenu un fonds important pour se lancer dans l’acquisition d’entreprises, un aspect essentiel pour que les avantages obtenus se perpétuent dans le temps.
Aujourd’hui le conseil des Innus d’Ekuantshit possède plus de 17 entreprises.
Ken Rock est aussi conscient qu’un jour les projets se termineront. L’avenir se joue aujourd’hui. « Pour nous, on devra réserver une certaine partie des redevances qu’on reçoit pour créer un fonds d’investissement important pour relancer notre économie locale et aider nos commerçants et nos entrepreneurs . »
La communauté est en bonne position. Des « ententes de répercussions et avantages » ont été signées non seulement avec Hydro-Québec, mais aussi avec Acelor Mittal, Minerais Québec et Tata Steel.
Ces ententes sont également appelées à évoluer. Il y a de plus en plus de voix qui s’élèvent pour critiquer par exemple l’absence dans ces accords de volets qui touchent la santé ou encore le bien-être des communautés.
Chose certaine, ce chemin parcouru montre qu’il est maintenant très difficile d’ignorer les nations autochtones lorsqu’il est temps d’exploiter les ressources naturelles sur leurs territoires.
Luc André est originaire de la communauté innue de Maliotenam. Il est diplômé en administration et a travaillé pendant plus de trente ans en développement économique. Il connaît de l'intérieur les difficultés auxquelles font face les nations autochtones pour se doter des outils économiques nécessaires à leur émancipation. De plus, il a été aux premières loges de ces petits « miracles » qui parfois surgissent et qui démontrent que les Autochtones sont les mieux placés pour gérer leurs propres affaires.