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Attention aux comparaisons entre taux d’occupation à l’urgence
Il est vrai que les urgences sont moins achalandées qu'avant la pandémie, mais cette statistique ne raconte pas toute l'histoire.
Cette image a été partagée plus de 2200 fois sur Facebook. Photo : Capture d'écran
Une image qui compare le taux d’occupation dans les urgences de quatre régions du Québec « le ou autour du 29 décembre », entre 2017 et 2020, est devenue virale cette semaine. Elle montre pour 2020 un achalandage nettement inférieur à celui des années précédentes, et plusieurs internautes s’en servent comme « preuve » que la COVID-19 engorge moins le système hospitalier qu’on aurait tendance à le croire. Or la situation est loin d’être aussi simple que cela.
Un texte de Nicholas De Rosa
Vous êtes à boute d’entendre : "les hôpitaux débordes … ils sont sur le point de rupture". Les hôpitaux non jamais été aussi vides [sic] , peut-on lire dans l’une des nombreuses publications Facebook accompagnées de ce graphique. L’image a été relayée plus de 2200 fois sur différents profils depuis le début de l’année.
L'image virale en question. Photo : Capture d'écran
Le hic, c’est que peu de pages de ce site sont disponibles en archives, ce qui empêche d'avoir un portrait juste d'un même moment d'une année à l'autre. Cela explique que l'auteur compare en fait des dates biens différentes, soit le ou autour du 29 décembre.
Ce n'est pas rien, considérant que le taux d’occupation aux urgences peut varier de dizaines de points de pourcentage en l’espace de quelques heures.
De plus, de manière générale, certains jours de la semaine sont nettement plus occupés que d’autres.
Impossible pour nous de savoir l’heure à laquelle les statistiques du mardi 29 décembre 2020 ont été consultées par l’auteur du diagramme, mais une version archivée du site d’Index Santé à 14 h 28 montre des taux d’occupation supérieurs d’environ 10 % à ceux contenus dans l’image virale pour les régions de l’Estrie, de la Montérégie et de Montréal.
C’est important de prendre une comparaison qui est à la même heure tous les jours si on veut qu’elle soit juste, affirme le Dr Gilbert Boucher, président de l'Association des spécialistes en médecine d'urgence du Québec (ASMUQ) et urgentologue à l’Institut de cardiologie de Montréal.
La plupart des patients arrivent vers 10 h ou 11 h. Plus on est tard en après-midi, plus c’est extrêmement dépendant de comment la journée s’est passée. Un hôpital qui reçoit 50 % plus d’ambulances l’après-midi va paraître atroce, mais si leurs consultations sont bien faites, il se peut très bien qu’à 21 h le soir, tout soit tranquille , soutient le Dr Boucher.
Il est également important de noter que la période des Fêtes peut être particulièrement instable à l’urgence.
Dans le temps de Noël, chaque 48 heures est critique. L’an dernier, on est passé de 70 % à 160 % d’occupation à Montréal dans l’espace de 12 jours. Noël et le jour de l’An, c’était tranquille, mais une vague d’influenza est arrivée le 6 janvier et on était à 160 % dans les urgences sur l’île, illustre le président de l’ASMUQ.
Le Dr Gilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d'urgence du Québec Photo : Courtoisie
Oui, les urgences sont moins occupées
Il n’en demeure pas moins que les urgences sont en effet moins occupées en temps de pandémie qu’elles l’étaient avant la crise. C’était le cas lors de la première vague, c’est aussi le cas en ce moment, et c’est normal.
Voici les chiffres purs et durs : il y a à peu près 20 % à 25 % moins de patients qui se présentent aux urgences comparé à il y a un an à la même période. Ça va même jusqu’à 30 % pour certains hôpitaux, estime le Dr Boucher.
L’une des raisons pour expliquer cette baisse d’achalandage est que la population évite les hôpitaux, de peur de contracter la COVID-19, selon le médecin. Elle est également réceptive au message des autorités sanitaires voulant qu'il ne faut pas engorger inutilement les urgences, selon lui.
L’effet COVID
Ce type de comparaison peut être trompeur, parce que le traitement d’un patient atteint de la COVID-19 demande bien plus de ressources et de temps qu’un patient qui n’a pas contracté le virus.
De nombreux protocoles mis en place pour limiter les éclosions au sein des hôpitaux alourdissent également le système.
Avant, on pouvait s’arranger avec un médecin, deux infirmières et un préposé pour un patient malade. Maintenant, ça nous prend deux infirmières et un médecin à l’intérieur, un médecin à l’extérieur, des préposés à l’extérieur, une infirmière dans la zone tampon et une infirmière qui va chercher les médicaments, parce qu’on ne peut plus se permettre de laisser plein de choses dans les salles. Si on a un patient COVID, il faut tout changer et laver notre équipement, fait valoir le Dr Boucher.
Autrement dit, un patient qui nous prenait environ quatre personnes va nous en prendre huit, et au lieu de nous prendre 30 minutes, ça va nous prendre entre1 heure 15 et 1 heure 30. On voit moins de patients, mais ça nous prend beaucoup plus de temps
Plusieurs autres éléments ralentissent le processus : par le passé, il était possible que les patients se succèdent les uns après les autres dans les salles d’urgence. Avec la pandémie, il faut isoler les patients positifs à la COVID-19 dans ces salles, les désinfecter après le passage du patient, puis attendre un certain temps avant d’accueillir une autre personne.
Il faut aussi comprendre que la médecine de corridor – cette fameuse image des urgences où l’on voit des patients en civière entassés dans un couloir d’hôpital lorsque tous les lits sont occupés – n’est plus praticable dans le contexte actuel.
Il y a certains centres hospitaliers qui ont mis des patients dans le corridor, et ça n’a pas pris deux semaines : il y avait des éclosions partout. On ne peut pas faire ça maintenant; c’est beaucoup trop dangereux, soutient le Dr Gilbert Boucher.
Avec la COVID-19, on ne pratique plus la « médecine de corridor ». Photo : La Presse canadienne/Paul Chiasson
Les patients qui arrivent pour des raisons autres que la COVID-19 doivent aussi se faire tester s’ils présentent des symptômes atypiques de la maladie (maux de tête, fatigue, etc.) afin d'avoir la certitude qu’ils n’infecteront pas des membres du personnel ou d’autres patients qui n’ont pas la COVID-19. Ces personnes doivent attendre entre 2 et 10 heures pour leurs résultats, et doivent entretemps être isolées préventivement.
C’est pour ces raisons que l’ancien 160 % (d'occupation) est le nouveau 110 %. Quand on est à 110 %, c’est très critique, parce qu’on commence à parler de mettre des patients dont on ne sait pas s’ils sont COVID l’un à côté de l’autre, et on commence à risquer que les patients qui n’ont pas la COVID l’attrapent en arrivant à l’hôpital. Il faut que l’hôpital demeure un endroit sécuritaire pour la population, et quand on vient en congestion, ce sont malheureusement des choses qui peuvent arriver, explique l’urgentologue.
Une deuxième vague différente
Cet hiver, les hôpitaux veulent éviter les erreurs et le chaos de la première vague autant que possible. Les protocoles pour minimiser les éclosions se sont grandement améliorés; les résultats de tests arrivent bien plus rapidement; il n’y a plus de rationnement d’équipement de protection individuelle; et les hôpitaux tentent autant que possible de traiter des patients qui se présentent pour des raisons autres que la COVID-19.
Malgré le fait qu’on dit qu’on est moins performants qu’une urgence normale, on est beaucoup plus performants qu’il y a cinq ou six mois. Par contre, plus les lits aux soins intensifs deviennent COVID, plus ça veut dire qu’on doit arrêter ce que l’on fait dans le reste de l’hôpital, dit le Dr Gilbert Boucher, qui estime que 75 % des patients hospitalisés sont catégorisés non-COVID en ce moment.
Ça fait 10 mois que les hôpitaux ne fonctionnent pas beaucoup. On essaie de traiter la population, on essaie de passer à travers les listes d’attente de la première vague, mais là, quand les soins deviennent congestionnés, il faut tout arrêter.
En ce moment, on est encore capables de trouver des lits aux soins intensifs, mais on est en train de convertir progressivement nos hôpitaux en hôpitaux COVID et on déleste le reste. Plus ça se fait, moins on est capables de s’occuper des autres patients. Et c’est ça qui fait mal, avoue le Dr Boucher.
Jeudi, l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a indiqué dans son bilan que le risque de dépassement des capacités dédiées à la COVID-19 dans les hôpitaux du Grand Montréal continue de grimper. Un scénario de débordement pourrait se concrétiser d’ici les trois prochaines semaines, d’autant plus que près des trois quarts des lits réguliers et deux tiers des lits de soins intensifs désignés pour les patients COVID-19 sont déjà occupés, peut-on y lire.
Cela dit, les choses s'annoncent mieux pour les autres régions de la province : selon le document, le nombre de nouvelles hospitalisations projetées est en léger déclin alors que près de 60 % des lits réguliers et 30 % des lits de soins intensifs désignés pour les patients traités pour la COVID-19 sont occupés. Bien que le risque de dépassement des capacités désignées soit faible pour (le reste de la province) dans son ensemble, des débordements dans certains hôpitaux ne peuvent toujours pas être exclus, peut-on lire dans le rapport.
Il reste à voir comment la situation évoluera dans les prochaines semaines alors que de nouvelles mesures de confinement – dont un couvre-feu – entrent en vigueur samedi et seront maintenues au moins jusqu’au 8 février.
Alexis est journaliste à Radio-Canada depuis 2004. Il a été tour à tour reporter, chroniqueur à la revue de presse à RDI Matin et chef d'antenne à ICI RDI. Il a aussi été envoyé spécial à Washington pour couvrir l'investiture de Donald Trump et chef d'antenne aux JO de Rio et Pyeongchang.
Marie-Pier Élie
Marie-Pier est journaliste scientifique depuis plus de 20 ans. Tour à tour animatrice, chroniqueuse et reporter, à la télévision, à la radio et à l'écrit, ses talents de vulgarisatrice ont été récompensés par de nombreux prix. Elle coanime le magazine Le Gros laboratoire et collabore chaque semaine à l'émission de radio Les Années lumière.
Jeff Yates
Jeff couvre la désinformation sur le web depuis la création du blogue Inspecteur viral en 2014, ce qui en fait l'un des premiers journalistes au Québec à s'intéresser aux fausses nouvelles. Il a été invité de nombreuses fois à titre de conférencier et d'expert pour expliquer le phénomène.
Nicholas De Rosa
Nicholas est journaliste depuis 2016. Il baigne depuis longtemps dans la cyberculture et s’intéresse aux phénomènes propres au web. Il a signé plusieurs articles sur la radicalisation en ligne et la désinformation avant de couvrir l'actualité technologique pour Radio-Canada.
Alexis De Lancer
Alexis est journaliste à Radio-Canada depuis 2004. Il a été tour à tour reporter, chroniqueur à la revue de presse à RDI Matin et chef d'antenne à ICI RDI. Il a aussi été envoyé spécial à Washington pour couvrir l'investiture de Donald Trump et chef d'antenne aux JO de Rio et Pyeongchang.
Marie-Pier Élie
Marie-Pier est journaliste scientifique depuis plus de 20 ans. Tour à tour animatrice, chroniqueuse et reporter, à la télévision, à la radio et à l'écrit, ses talents de vulgarisatrice ont été récompensés par de nombreux prix. Elle coanime le magazine Le Gros laboratoire et collabore chaque semaine à l'émission de radio Les Années lumière.
Jeff Yates
Jeff couvre la désinformation sur le web depuis la création du blogue Inspecteur viral en 2014, ce qui en fait l'un des premiers journalistes au Québec à s'intéresser aux fausses nouvelles. Il a été invité de nombreuses fois à titre de conférencier et d'expert pour expliquer le phénomène.
Nicholas De Rosa
Nicholas est journaliste depuis 2016. Il baigne depuis longtemps dans la cyberculture et s’intéresse aux phénomènes propres au web. Il a signé plusieurs articles sur la radicalisation en ligne et la désinformation avant de couvrir l'actualité technologique pour Radio-Canada.
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