Depuis son lancement, il y a trois ans, le programme de formations #30sec avant d'y croire a permis à des milliers d’élèves et de citoyens de mieux se prémunir contre les fausses nouvelles. L’initiative est plus que jamais pertinente et nécessaire avec le déluge de désinformation reliée à la pandémie, mais elle a dû être adaptée au contexte sanitaire.
Ce programme consiste en des ateliers donnés par des journalistes dans des écoles, des cégeps, des bibliothèques et d’autres institutions, et désormais aussi à distance. On y présente les notions de base et des trucs pour détecter les fausses nouvelles, ainsi que des principes de la profession journalistique.
Quelque 19 000 personnes, surtout des secondaires 4 et 5, ont été formées à ce jour. Le programme compte sur l’implication d’une cinquantaine de journalistes bénévoles.
La majorité des ateliers se donnent maintenant en ligne, pandémie oblige. Il y avait énormément de désinformation sur la COVID-19. On a donc mis la documentation à jour, en adaptant le format, avec beaucoup d'exemples de désinformation sur la pandémie. Mais il y a quand même des profs qui nous demandent d’aller en classe, en respectant les mesures sanitaires, bien entendu
, explique Ève Beaudin, la journaliste responsable du programme mis sur pied par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec en collaboration avec l’Agence Science-Presse.
Des professeurs commencent à monter des cours dans lesquels ils intègrent la présentation, mais aussi les fiches et les ressources vidéo qu'on a développées
, ce qui est très encourageant, dit-elle.
Des ateliers axés sur la désinformation entourant des enjeux politiques et les impacts démocratiques sont aussi offerts au grand public.
Un dialogue essentiel
Les échanges lors de ces ateliers sont enrichissants, mentionne-t-elle, et permettent de mieux saisir le niveau de connaissances qu’a le public du phénomène des fausses nouvelles.
Ce qui commence à être compris, vraiment, c'est à quel point on a tous un rôle à jouer dans la propagation des fausses nouvelles, en likant, en commentant ou en partageant des choses, mais aussi dans la lutte à la désinformation
, explique-t-elle.
Qu’est-ce qui a changé depuis trois ans? Les gens sont plus au courant du rôle des algorithmes. Ils comprennent mieux aussi les biais cognitifs, comme le biais de confirmation, le biais de popularité, l'effet de halo, le fait que les fausses nouvelles jouent sur nos émotions, tout ça, explique la journaliste. C'étaient des choses qui étaient moins bien comprises, qui circulaient moins, car on en parlait moins il y a quelques années.
Beaucoup plus de ressources existent désormais et les médias exposent le fonctionnement des fausses nouvelles, ce qui contribue à une meilleure connaissance du public, mentionne-t-elle. C’est sans compter des documentaires grand public, comme The Social Dilemma, qui ont une grande portée.
Les élèves sont plus enclins aussi à s'interroger sur la fiabilité des informations qu’ils consultent et à recouper les sources. C'est quelque chose qui commence à bien rentrer chez la plupart des jeunes
, remarque-t-elle.
D’ailleurs, une étude de Statistique Canada montre que, depuis le début de la pandémie, les Canadiens vérifient davantage les sources d’informations, cite-t-elle comme exemple.
Le rôle des médias et du journalisme
Des jeunes, lors des formations, se font aussi critiques du travail des médias, ce qui est l’occasion de rappeler le rôle des journalistes dans nos sociétés.
Est-ce qu'on peut vraiment écrire n'importe quoi? Il y a quand même beaucoup de questions de cet ordre-là qui ressortent, quand tu vas en classe
, mentionne Ève Beaudin.
Les gens vont dire : oui, mais vous aussi vous faites dans l'opinion; vous aussi, vous faites des titres sensationnalistes; et vous faites aussi des erreurs
, poursuit-elle. Alors on peut leur expliquer comment on rectifie une erreur, par exemple.
Parfois, les critiques reposent sur une incompréhension des pratiques journalistiques. Beaucoup de jeunes et d’adultes ne font pas la distinction entre un reportage et une chronique d’opinion. Quand on leur explique, c'est plus clair à la fin
.
Les formations sont données par des journalistes locaux, ce qui permet de créer des liens entre les jeunes, le public, et un média qu'ils connaissent.
Parfois, aussi, ils se questionnent sur qui sont les complotistes au Québec, qui fait de la désinformation, etc.
Il arrive que des professeurs ou des bibliothécaires rapportent qu’ils ont entendu un enfant ou une personne du public qui tient un discours conspirationniste, relate-t-elle. C'est plus compliqué pour un prof d'enseigner à quelqu'un qui a une pensée complotiste, parce que très souvent ça vient de la famille.
Mais ces situations demeurent des exceptions, explique la journaliste.
La demande pour les ateliers est grandissante. On voit plein de façons aussi de continuer à produire du matériel et de continuer à rejoindre les gens. Donc, c'est quelque chose qui va se développer, qui répond vraiment à un besoin, et on le voit.
L’équipe Formats numériques de Radio-Canada et les Décrypteurs vous offrent aussi une auto-formation pour vous vacciner contre la désinformation, où que vous soyez. Vous pouvez même converser avec Alexis ! Profitez-en.