
L’héritage d’Armand Frappier : s’attaquer aux épidémies
L’héritage d’Armand Frappier : s’attaquer aux épidémies
En 1969, au coeur de la Révolution tranquille, est fondé l'Institut national de recherche scientifique (INRS). Sa mission : promouvoir la recherche et l'enseignement pour développer les cerveaux qui contribueront à transformer le Québec.
Aujourd'hui, l'INRS célèbre ses 50 ans. Pour souligner l'occasion, nous vous présentons cinq réalisations scientifiques qui ont révolutionné le Québec.
- 26 novembre : s'attaquer aux épidémies
- 27 novembre : la lutte antidopage
- 28 novembre : les chantiers de la Baie-James
- 29 novembre : l'instauration d'une politique familiale
- 2 décembre : l'évolution du laser
Texte : Gabrielle Thibault-Delorme / CONTENU PARTENARIAT
Avant les années 50, la tuberculose fait des ravages au Québec. Appelée aussi « consomption » ou « peste blanche », la tuberculose y est responsable de 11,51 % des décès en milieu urbain de 1896 à 1906.
Les malades étaient souvent issus de milieux pauvres, où la promiscuité et les mauvaises conditions de vie favorisaient la propagation de l’infection.
En 1923, la mère d’Armand Frappier succombe à la maladie. Ce dernier est alors âgé de 19 ans. Il jure alors de faire de la lutte contre la tuberculose son cheval de bataille.
Après des études de médecine, il obtient en 1931 une bourse de la Fondation Rockefeller qui lui permet d’aller étudier à l’Institut Pasteur, à Paris. Il y rencontrera Albert Calmette et Camille Guérin, les scientifiques responsables du vaccin bacille de Calmette-Guérin (ou vaccin BCG), qui prévient et guérit la tuberculose.

Le médecin et microbiologiste Armand Frappier en 1979
Photo : Bibliothèque et Archives nationales du Québec / Adrien Hubert
Retour à Montréal
Avec cette découverte en main, Armand Frappier revient à Montréal avec l’idée d’y recréer le vaccin, avec les normes de l’Institut Pasteur. Il compte aussi fonder un Institut qui permettrait au Québec d’être autonome en matière de production des vaccins. Le gouvernement de Maurice Duplessis se rallie à cette idée et lui octroie les fonds pour la création de l’Institut.
En 1938, l’Institut de microbiologie et d’hygiène de Montréal ouvre ses portes. Le vaccin BCG est produit à l’Institut et la vaccination contre la tuberculose s’étend à travers la province dès 1949.
Financer la recherche
En plus du vaccin BCG, l’Institut se lance dans la production des vaccins contre la poliomyélite, le DCT (diphtérie-coqueluche-tétanos), la grippe et bien d’autres. L’argent de la vente est réinvesti dans la recherche. « Il était vraiment charmé par le modèle de financement de l’Institut Pasteur », explique Marie-Claude Rousseau, professeure titulaire au Centre Armand-Frappier. « Il pouvait ainsi offrir d’excellents salaires aux chercheurs et financer leurs recherches. »
L’Institut et Armand Frappier ont aussi contribué à l’effort de guerre, lors de la Seconde Guerre mondiale, en collaborant avec les cliniques de la Croix-Rouge. « Il recevait les dons de sang et desséchait le sérum, avant qu’il soit reconstitué en Europe », explique Mme Rousseau.
Un legs important
Au fil des ans, l’Institut grossit. À la retraite de son fondateur, il est rebaptisé Institut Armand-Frappier et se rattache à l’Institut national de recherche scientifique en 1999. Aujourd’hui, la production de vaccins ne fait plus partie de la mission de l’Institut, qui se consacre à la recherche et à l’enseignement.
En plus d’avoir sauvé des millions de vie grâce à la vaccination, Armand Frappier a, par la création de l’Institut, contribué à la formation de chercheurs francophones, une mission au coeur de la création de l’INRS.
« Il a milité pour l’importance d’un registre de vaccination. Quand je suis arrivée en poste, je trouvais que c’était une ressource fantastique, mais inexploitée », ajoute Mme Rousseau. « On s’est servi du registre pour voir s’il y avait des liens entre la vaccination et l’asthme par exemple [précision : il n’y en a pas, NDLR]. Internationalement, c’est la plus grande étude qui a été faite. »
« Son legs est très important. Il avait une vision de la santé publique avant qu’on s’en occupe véritablement. »