Un texte de Cécile Gladel
Traductrice, auteure de théâtre et de romans, Fanny Britt travaille depuis deux ans sur un projet pour la télévision. « Ça prend une éternité, les épisodes sont en développement, mais ce n’est pas en production encore. »
C’est un projet qu’elle a proposé et qui lui tient à cœur. « Ce n’est pas une comédie, c’est une fiction plutôt sombre, engagée socialement, qui touche à des questions importantes », consent-elle à dire.
Ce n’est pas la première fois que Fanny Britt écrit un scénario. Il y a six ou sept ans, elle a travaillé sur un projet, pendant deux ans, qui finalement n’a pas abouti. C’est souvent le cas en télévision. Ce projet avorté lui a permis d’écrire son premier roman, Les maisons. « C’était frustrant, mais pas dramatique. Je suis privilégiée de gagner ma vie en écrivant des mots. J’ai donc eu du temps, alors que je fuyais, je n’avais pas l’impression d’avoir ce qu’il fallait », explique l’écrivaine.
La peur du deuxième roman
Entre les répétitions et la première lecture de sa prochaine pièce, Fanny Britt pense à son deuxième roman, non sans angoisse. « J’ai peur de ne pas y arriver une deuxième fois. Je me dis que tout le monde a un premier roman en soi, mais j’ai encore peur de ne pas écrire de la vraie fiction digne. J’ai parfois une attitude autodestructrice », reconnaît-elle.
L’écrivaine ne souffre pas du syndrome de l’imposteur, elle sait qu’elle a sa place, mais l’attrait de la perfection la fait souffrir.
C’est plus une espèce de vide existentiel. Une conscience extralucide quand je pense aux écrivains et aux écrivaines que j’admire, aux extraordinaires livres qui existent. On veut que nos livres soient à la hauteur de ce qu’on espère, nos attentes sont folles. J’ai l'extrême conscience que les livres parfaits existent déjà. Je me demande donc ce que j’essaie de faire. Je me pose des questions. Je ne sais rien faire d’autre. Ça me garde vivante.
Les remises en question
L'auteure Fanny Britt Photo : Radio-Canada/Christian Côté Fanny Britt écrit parce qu’elle a besoin de décrire son époque et les humains qui l’entourent. Ses mots sont les bûches d’un feu qu’elle doit nourrir, dont l’entretien ne se fait pas sans doute. « J’ai de grosses vagues de remises en question. Je suis une vraie auteure, mais je ne suis pas toujours certaine d’avoir quelque chose à dire. »
Les critiques lui font peur, car elle y est très perméable. Cependant, ce n’est rien à côté de ses propres critiques.
Je vois toujours là où j’aurai pu aller plus loin. Je suis hyper consciente de tous les rouages, et je peux devenir très sévère. Ça m’empêche d’être libre.
Pour créer et écrire, Fanny Britt doit se débarrasser de cette façon de réagir et se faire à l’idée qu’elle peut faire des erreurs. « Sinon, c’est comme écrire en recevant des coups de fouet, rien de bon n’en découlera. »
Est-ce un problème typiquement féminin, ce manque de confiance? « Je suis certaine que oui. Je connais des hommes qui ont ce problème, mais c’est ce que j’ai observé chez les femmes scénaristes, auteures, comédiennes, enseignantes. Les femmes doutent, se surpréparent là où les gars y vont au son. »
Mûrir ses opinions
Puisqu’elle vient d’avoir 40 ans, elle espère que la « vieillesse » va l’aider à accepter ces petits travers.
Ça fait trois mois, et la citrouille ne s’est pas encore transformée. Je sens un début de relâchement. Comme femmes, on est conditionnées socialement à ne pas être décevantes, les hommes, à ne pas être déçus.
Si Fanny Britt est une habituée de l’émission Plus on est de fou, plus on lit, elle avoue ne pas être très à l’aise avec la médiatisation et les réseaux sociaux. J’ai toujours un pied sur le frein puisque je me morfonds de mes erreurs. Quand je vais à la radio, c’est clair, c’est préparé et c’est toujours mûri, je revois mon texte des dizaines de fois, je le relis, je le peaufine. Je ne me prononce pas beaucoup sur Facebook à cause de ça. J’ai l’impulsion de répondre, mais je ne suis pas bâtie pour cette action-réaction. »