journaliste:
Jean-François
Lépine
réalisateur:
Georges
Amar
journaliste
Internet: Sophie-Hélène
Lebeuf
Ingrid
Betancourt
la Don Quichotte de Colombie

Alors
candidate à l'élection présidentielle
de son pays,Ingrid Betancourt a été enlevée
en février par les Forces armées révolutionnaires
de Colombie. Elle lutte depuis des années contre la corruption
et la mainmise des barons de la drogue colombiens. Le reportage
que nous avons diffusé en novembre dernier trace
le portrait de cette femme de courage.
«
Le conflit colombien est compliqué. Le combustible
qui est en train de faire marcher cette machine de la
guerre est le trafic de la drogue. C'est le trafic
de la drogue qui finance la guérilla, c'est le
trafic de la drogue qui finance les paramilitaires, c'est
le trafic de la drogue qui finance aussi beaucoup de politiciens
traditionnels, corrompus, qui détiennent le pouvoir. »
Ingrid Betancourt
*
* *
Ingrid
Betancourt a de l'ambition. Elle veut devenir présidente
de la Colombie. Ses
objectifs sont à la mesure de ses convictions.
Son
cheval de bataille: la
corruption et le trafic de la cocaïne qui dévastent
le pays.
Entre les miliciens d'extrême droite et les guérilleros
de gauche, la Colombie est en proie à une guerre
civile meurtrière où
les joueurs se battent pour les revenus du narcotrafic.
Ingrid
Betancourt se
dresse pour mettre fin à la terreur qu'instaurent
les narcotrafiquants. Si
une partie de ceux contre qui elle se bat ont des mitraillettes,
ses
armes à elle sont ses convictions.
Elle
veut mettre un terme au cycle de la violence qui déchire
son pays.
Au péril de sa vie.
L
A C O L O M B I E E N
B R E F

Superficie:
1,1 million de kilomètres carrés
Capitale: Bogota
Population: 40,8 millions
Langue: espagnol
Monnaie: peso
Nature de l'État: république
unitaire
Nature du régime: démocratie
présidentielle
Chef de l'État: Andrés Pastrana
***
ELN:
Armée
de libération nationale (5000 combattants)
FARC: Forces armées révolutionnaires
de Colombie (15 000 combattants), le principal
mouvement de guérilla de Colombie et le
plus ancien d'Amérique latine
|
Un
pays miné par la guerre civile

« La
guerilla est corrompue, les paramilitaires sont corrompus,
l'Église est corrompue,
dans le journalisme aussi, il y a de la corruption,
vraiment, c'est un cancer. »
Mauricio Vargas, rédacteur en chef
du journal Cambío
Depuis
50 ans se joue un conflit meurtrier
avec, en toile de fond, la corruption et le narcotrafic.
Bilan du conflit: 200 000 morts,
plus de deux millions de personnes déplacées et des milliers
d'enlèvements par an depuis 1964.
« [Dans
la dernière année], plus de 4000 personnes
ont été victimes d'assassinats politiques, plus
de 300 ont "disparu" et quelque 300 000
autres ont vraisemblablement été déplacées à l'intérieur
du pays. Au moins 1500 personnes ont été enlevées
par des groupes armés d'opposition ou des organisations
paramilitaires. »
extrait du du rapport annuel
2001 d'Amnesty international
|
Le
gouvernement contrôle à peine la moitié du territoire.
Le reste du pays est aux mains de milices de droite ou
de mouvements de guérilla qui se font la guerre
pour le partage des revenus du narcotrafic: des milliards
de dollars en retombées. Et des pertes en vies
humaines qui se chiffrent chaque année par milliers.
Malgré l'état de guerre quasi permanent, et malgré
les détracteurs du processus de paix, le président
Andres Pastrana continue à croire à la négociation
avec la guerilla.
«
On peut faire plus et il me reste moins d'un an [avant
la fin de mon mandat]. Alors, je veux faire avancer
le processus de paix pour qu'il devienne irréversible. »
le président Andres Pastrana
Dans
un pays où l'économie est pratiquement paralysée par la
guerre civile, où plus de 25 % de la main-d'œuvre
est en chômage et où la corruption liée à la drogue atteint
toutes les couches de la société, parler de changement
crée de l'espoir et constitue une menace aussi pour les
élites en place.
extrait du reportage



La
moitié des combattants de la FARC sont des femmes.
Le
coca et la lutte contre le narcotrafic

«
En ce moment, à travers le plan Colombie, nous
sommes en train d'attaquer les cultures, nous sommes en
train d'attaquer les paysans, nous ne sommes pas en train
de poursuivre les trafiquants de drogue. »
Ingrid Betancourt
Avec l'aide des États-Unis, le gouvernement colombien
a instauré, au coût de plus de 7 milliards de dollars
américains, le Plan Colombia, pour
inciter les paysans à abandonner la culture de la coca.
Il leur offre une aide spéciale pour qu'ils se
tournent vers des cultures de substitution comme celle
de la
banane ou d'autres denrées rentables.
Même s'il a multiplié ses efforts, le gouvernement
n'est pas parvenu ses fins. Dans un pays pauvre, les revenus
du coca sont difficiles à remplacer: la
plante peut produire jusqu'à quatre récoltes de feuilles
de coca pas an, revendues jusqu'à 1000 $ canadiens
chacune. Puis, l'aide se fait attendre.
« Alors
que tous les yeux sont tournés vers des négociations
de paix dont on sait qu'elles seront longues et
difficiles, il n'a pour objectif que de renforcer,
équiper et entraîner l'armée colombienne; sous la
pression de Washington, il joue la guerre contre
la drogue, niant la nature sociale et politique
du conflit. Le prétexte pour maquiller les véritables
objectifs de la future intervention américaine,
conserver le contrôle de cette région vitale, riche
en ressources stratégiques, le pétrole en particulier,
est ainsi trouvé : pour le Pentagone, la principale
menace qui pèse sur l'hémisphère n'est plus Cuba,
mais la possibilité que surgisse un « narco-Etat
colombien. »
extrait d'un article du Monde
diplomatique: Plan Colombie, passeport pour
la guerre
|

« Le gouvernement me promettait un prêt
pour cultiver de la banane, du maïs ou élever
des bovins. Tout ce que j'ai reçu, ce sont des
poulets. »
Jesus Cadena Narino, paysan
« Le
phénomène de la drogue existe à
cause des pays capitalistes. Il y a une très
grande responsabilité des pays consommateurs.
Les États-Unis, l'Europe, pour ne pas aller
plus loin. Ces pays produisent les produits chimiques.
La responsabilité de la Colombie, c'est de
produire la feuille de coca. C'est tout. »
commandant Raoul Reyes, négociateur
en chef des FARC
« La
majeure partie des fonds dépensés jusqu'à maintenant
dans le cadre du Plan Colombia ne sont pas allés
dans la poche des paysans pauvres, au contraire.
Ce sont les militaires qui en ont surtout profité
pour financer leur méthodes à eux pour éradiquer
la coca. C'est ainsi que depuis un an on a dépensé
des fortunes pour détruire chimiquement les
cultures du haut des airs. Malgré tout l'argent
investi dans ces opérations massives de fumigation,
le nombre d'hectares de coca en Colombie n'a
fait qu'augmenter. »
extrait du reportage
|
Une
femme se dresse pour mettre fin au statu quo

«
Quand je serai élue, je vous mettrai tous à
la porte, parce que vous êtes tous corrompus ».
Le
ton était donné pour sa campagne: Ingrid
Betancourt venait de démissionner du sénat
pour se lancer dans la course à la présidence.
Pour l'instant, elle ne figure même pas dans les intentions
de vote. Mais, chaque fois qu'elle s'est par le passé
présentée à une élection,
c'était comme cela et, pourtant, elle est sortie
gagnante.
«
Elle est ferme, ferme. Comme un homme. Très peu
d'hommes pourraient faire comme elle. »
Fille
d'un ancien ministre et d'une collaboratrice d'un ancien
candidat à la présidence assassiné,
elle est une politicienne redoutable et radicale qui n'a
pas peur de se battre contre la corruption et le narcotrafic.
Au péril de sa vie, car d'autres avant elle ont
payé de leur vie leur engagement pour le changement.
Elle-même a déjà été
victime d'un attentat et se déplace maintenant
en jeep blindé avec des gardes du corps armés.

« C'est quelque chose qui est pas facile
à accepter, enfin, je veux dire, c'est pas agréable
de savoir que sa mère est en danger. »

« Sincèrement, si elle réussit,
c'est vrai qu'elle aura changé le cours de l'histoire. »
Une équipe de Zone libre s'est rendue
en Colombie et a rencontré Ingrid Betancourt. Un
reportage sur le narcotrafic en Colombie.
Un
reportage du journaliste Jean-François Lépine
et du réalisateur Georges Amar. Images :
Pierre Mainville; montage : Hélène
Lamothe.
Visionnement
du reportage
H
Y P E R L I E N S
Dossier
La
Colombie
(excellent dossier
de fond du Monde diplomatique; parmi les sections:
Plan Colombie, passeport pour la guerre, Ingérences étatsuniennes,
Des foyers de résistance multiples, Reportages photos en
Colombie)
Développement
et paix
(dossier très complet sur la Colombie, mis à jour périodiquement)
Le
peuple colombien
Situation
des réfugiés en Colombie
(page de
Médecins sans frontières)
Droits
de la personne
(fiche
extraite du rapport annuel 2001 d'Amnesty international)
Gouvernement
et guerilla
Le
plan de paix
(informations sur les négociations entre
le gouvernement de la Colombie et les FARC, en anglais et
en espagnol)
Gouvernement
colombien
(site officiel, en anglais)
FARC
(site du
mouvement, en espagnol)
ELN
(site du mouvement, en espagnol)
Médias
El
tiempo
(quotidien de la Colombie)
Cambio
(revue de Colombie)
Le
pays
Informations
touristiques
(sur le
web de l'Amérique latine)
La
Colombie en musiques et en images
(site réalisé de concert avec l'association
humanitaire Alcan, qui œuvre en faveur des enfants orphelins
de Colombie)
L'émission
Zone libre est diffusée sur les ondes
de
Radio-Canada le vendredi à 21 h et en
reprise à RDI le samedi à 23 h,
le dimanche à 13 h et à 20 h ainsi
que le lundi à 2 h.
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