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REDIFFUSION SUR RDI
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Dimanche 2 h 30 |
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- Leur cuisine de rêve devient un cauchemar - |
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Avec le printemps vient souvent le goût de changement. Alors, pourquoi ne pas entreprendre de rénover sa propriété? Pourquoi ne pas refaire sa cuisine? Quelque 40 000 ménages de la grande région de Montréal ont l'intention de réaliser un tel projet cette année, et ils prévoient y investir en moyenne plus de 8000 $. Les gens veulent du travail bien fait, et le confient donc souvent à un entrepreneur. Malheureusement, certains entrepreneurs sont loin d'être à la hauteur.
Journaliste: Yvan Lamontagne
Réalisateur: Louis Faure
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Louise rêvait d'une cuisine moderne et conviviale. Elle a donc signé un contrat de rénovation de plus de 7000 $ avec une entreprise de Victoriaville.
« Quand ils sont venus installer les armoires de cuisine, l'installateur m'a dit: ''Si tu vois des petits défauts, prends des morceaux de ruban-cache et colle-les à côté''. Quand il a eu fini son installation, du ruban-cache, il y en avait à la grandeur de la cuisine! »
Sylvie rêvait aussi d'une nouvelle cuisine. Sur papier, tout correspondait à ce qu'elle désirait. Mais dans la réalité, le passage de la même entreprise chez elle ne lui a laissé que des frustrations.
« Les travaux n'ont pas été terminés. Ça a été bâclé. Et maintenant, tout ce qu'ils désirent, c'est l'argent. »
Lynda, elle, rêvait d'une cuisine clé en main de 25 000 $. Son projet, aujourd'hui réalisé, a pris la forme d'un véritable boulet. Et elle est maintenant menacée de poursuite en diffamation.
« Cela fait en sorte que je ne peux faire aucune déclaration relative au contrat qui me lie à [l'entreprise]. »
Des problèmes de mesures
La compagnie à laquelle Louise, Sylvie et Lynda ont fait appel compte 80 employés et réalise un chiffre d'affaires annuel de 10 millions de dollars. Elle a une usine de production d'armoires de cuisine à Victoriaville et des salles d'exposition dans le Grand Montréal. Chaque année, elle se pointe au Salon national de l'habitation, en quête de nouveaux clients.
« Des arnaqueurs, il y en a partout de nos jours, souligne Sylvie. Je me suis dit: ''[Au Salon], au moins, on va être correct, [ça va être] des gens responsables. Ce sont sûrement les meilleurs qui sont là''. »
En 2003, Sylvie signe un contrat clé en main de 15 000 $ avec l'entreprise, qui lui livre une cuisine bien au-dessous de ses attentes.
Les mesures des éléments livrés et installés ne correspondent pas à celles fournies par Sylvie, si bien qu'il manque six pouces de profondeur à la cavité dans laquelle son réfrigérateur est installé, alors qu'une des séries d'armoires est trop courte. De plus, le revêtement des portes se décolle.
L'entrepreneur rejette toute responsabilité
Le président de l'entreprise rejette toute responsabilité. « Ce n'est pas notre faute », dit-il.
Selon lui, le revêtement thermoplastique dont parle Sylvie est un produit extraordinaire, qui ne se décolle jamais. « Le seul petit inconvénient, concède-t-il, c'est qu'il ne faut jamais placer de bouilloire électrique ou de grille-pain géant entre le comptoir et les armoires du haut. »
Quant au problème de la cavité du réfrigérateur, il était prêt à apporter les correctifs nécessaires, à condition que Sylvie débourse 300 $, ce qu'elle aurait refusé. Cette dernière affirme pourtant n'avoir jamais entendu parler de cette offre.
Il n'est pas question pour elle de payer les 10 000 $ qu'elle doit encore à l'entreprise. « Je voulais qu'ils finissent les travaux. C'est tout ce que je voulais avant de payer le solde. Je n'ai jamais refusé de payer. J'ai toujours voulu payer, mais il faut que ce soit à mon goût par contre. »
« Pour régler ce cas, nous étions, selon moi, quand même généreux, réplique le président de l'entreprise. Il n'y a pas eu moyen de s'entendre, alors c'est sûr que c'est maintenant dans les mains des tribunaux. La confiance a disparu, et c'est plus difficile de négocier. »
Mélamine ou stratifié?
Les relations que Louise a eues avec l'entreprise ont également été difficiles. « Nous les avons traînés en cour à la suite des problèmes de fabrication, de fignolage, de travail mal fait qu'on a eus avec eux. »
Entre autres problèmes, Louise voulait du stratifié pour sa cuisine. Elle a même payé un supplément pour ce type de matériau. Mais elle a reçu de la mélamine. Du côté de l'entreprise, on est loin d'être clair sur la définition de mélamine et de stratifié.
« Le mot mélamine a été un peu magané. Les gens se sont mis à appeler ça du stratifié-mélamine. Alors, l'erreur vient de là, soutient son président. Entre le représentant et la cliente, il s'est probablement dit du stratifié-mélamine. Et naturellement, c'était de la mélamine, les nouvelles mélamines qui sont bonnes, mais ce n'était pas nécessairement du stratifié. »
Des travaux mal faits et dangereux
De son côté, Lynda est menacée de poursuite en diffamation par l'entreprise. C'est pourquoi elle ne peut parler de son contrat de rénovation. Dans son cas, l'électricité a dû être complètement refaite par un maître électricien, Tony Bourgeois. Ce dernier a bien voulu commenter le travail de son prédécesseur.
« Les joints sont faits comme une extension: un coup de couteau, deux capuchons de connection. C'est vraiment un joint à l'air. Ce n'est pas légal du tout », prétend-il.
C'est sans compter une certaine vis placée entre deux fils. « C'est dangereux pour le feu, c'est dangereux pour le client, affirme Tony Bourgeois. Si le fil noir entre en contact avec lui et qu'il touche un lavabo ou le deuxième pôle, il pourrait s'électrocuter. C'est une vis qui est directement dans le câble. »
« Pour la rénovation [chez Lynda], on a pris un sous-traitant qui n'a pas fait le travail comme il faut », se défend le président de l'entreprise.
Du travail au noir?
Est-il possible qu'un électricien possédant un certificat de qualification travaille comme ça? « Non, répond Tony Bourgeois. C'est impossible, à moins que quelqu'un veuille le faire exprès. Ce n'est pas dans les règles, ce n'est pas dans la pratique courante d'un électricien de faire ça comme ça. »
Comment se fait-il que le maître électricien embauché par l'entreprise n'ait jamais produit la déclaration de travaux obligatoire devant être remise à la Régie du bâtiment du Québec? Le président l'ignore, tout comme il semblait ignorer l'existence même d'une telle déclaration avant que La facture lui en parle.
« Nous, on appelle ça du travail au noir ou une petite job ''sur la slide'' », dit Tony Bourgeois.
« Si on apprend [que c'est du travail au noir], affirme le propriétaire, c'est évident qu'il y a une réunion et que ça ne se fait plus par la suite. On ne peut pas toucher à ça avec un chiffre d'affaires de 10 millions par année. »
L'entreprise prend les grands moyens pour se faire payer
Lynda refuse de verser les 15 000 $ qu'elle doit à l'entreprise. Cette dernière a donc enregistré, en janvier dernier, une hypothèque légale sur sa maison. Elle pourrait ainsi forcer la vente de la propriété pour recouvrer son argent.
Une hypothèque légale n'a rien de drôle pour personne, et encore moins pour Lynda, qui est syndic de faillite. En raison de son travail, elle doit avoir un dossier de crédit impeccable.
« Ça peut avoir des conséquences dramatiques à cause de ma profession d'officier de justice, explique-t-elle. J'ai déjà reçu des communications de tiers qui prétendent que je suis en difficulté financièrement et qui veulent me mettre à l'abri de mes créanciers. »
« Ils prennent toujours les grands moyens, ils arrivent toujours avec leurs gros sabots pour te faire reculer, déplore Louise. À un moment donné, il faut que ça arrête. »
Des tactiques de peur
Elle aussi s'est retrouvée avec une hypothèque légale enregistrée par l'entreprise. « Tu te dis: ''Mon dieu, ils sont rendus aux moyens légaux. Ça veut dire que je ne peux plus répondre moi-même, il faut que j'engage un avocat pour me défendre''. »
L'avocat qu'elle a consulté lui a dit que l'entreprise n'avait pas le droit d'émettre un avis d'hypothèque légale, que c'était pour faire pression sur elle, pour lui faire peur. Devant cette tactique, Louise a décidé de se battre devant les tribunaux, et elle a réussi à faire radier l'hypothèque légale.
« Un entrepreneur a le droit d'émettre une hypothèque légale sur une maison quand il n'a pas été payé et que les travaux sont complétés, dit-elle. Dans mon cas, les moulures n'étaient pas installées et elles n'étaient même pas de la bonne couleur. Alors, il n'avait pas le droit de l'émettre. Ils ont payé pour l'émettre et ils ont été obligés de payer pour l'enlever. »
En 2001, Louise a remporté une victoire juridique contre l'entreprise. La compagnie a dû lui rembourser plus de 5000 $ et repartir avec ses armoires. « Quand tu es dans ton droit et que tu as payé pour des choses que tu n'as pas, il faut que tu te battes, tu n'as pas le choix, il faut aller jusqu'au bout », termine-t-elle.
En conclusion
Au Québec, si vous avez des problèmes avec votre entrepreneur, vous pouvez porter plainte à la Régie du bâtiment. Cette dernière peut alors agir comme médiateur entre vous et l'entrepreneur.
Si un entrepreneur fait des travaux de mauvaise qualité, la Régie le rappelle à l'ordre. S'il est démontré qu'il persiste dans son travail de mauvaise qualité, il peut perdre son permis, obligatoire pour travailler comme entrepreneur au Québec.
À ce jour, une seule plainte a été déposée contre l'entreprise de Victoriaville à la Régie du bâtiment du Québec.

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