Comme des milliers d’enfants canadiens, Olivia Pratten est née par insémination artificielle. La jeune femme se pose beaucoup de questions sur son père biologique. Mais elle ne peut pas savoir qui est son géniteur, car la loi protège l’anonymat des donneurs de sperme. Ainsi, les donneurs de sperme n'ont aucune obligation légale face aux enfants issus de leurs dons. Qu'est-ce qui doit prévaloir? Le droit des enfants de connaître d'où ils viennent, ou celui des donneurs de demeurer anonymes? Une équipe d’Enjeux a fouillé la question.
La quête d’Olivia
Olivia Pratten
En 1981, un homme est entré dans une clinique de fertilité de Vancouver. Pour quelques dollars, il s’est masturbé, puis il est reparti. Cet homme, c’est le père biologique d’Olivia Pratten, et elle le cherche désespérément. Cette recherche a pris beaucoup de place dans la vie de la jeune femme. Les parents d’Olivia, aujourd’hui divorcés, l’appuient dans sa démarche. Shirley Pratten comprend que sa fille ait ce besoin profond de savoir d’où elle vient. Il faut savoir d’où on vient pour savoir où on va, ajoute-t-elle, pour expliquer la quête identitaire d’Olivia.
Olivia est retournée à la clinique de Vancouver, et elle a obtenu quelques renseignements tirés du dossier de son père biologique: étudiant en médecine, a fait plusieurs dons, mais une seule insémination réussie, cheveux châtains, yeux bleus, 1 m 76, bien bâti et en bonne santé. Pour Olivia, ce n’est pas suffisant. Mais elle ne peut pas en savoir plus, à cause de la loi canadienne sur la famille. En fouillant dans un registre de donneurs de sperme sur Internet, la jeune femme trouve un homme qui est peut-être son père biologique. L’équipe d’Enjeux est témoin de la rencontre entre Olivia et cet homme, Dwight Jones.
Pour ou contre l’anonymat des donneurs?
Il y a quelques années, lors des audiences sur le projet de loi C-6 sur la procréation assistée, la question de lever l’anonymat des donneurs de gamètes a été soulevée. Plusieurs témoignages pour et contre l’identification des donneurs de sperme ont été entendus à cette occasion. Certains, dont Olivia Pratten, ont fait valoir le droit des enfants de connaître leur origine biologique. Pour d’autres, l’obligation d’identifier les donneurs aurait pour effet d’éliminer les dons de sperme, surtout si les donneurs n’obtiennent pas une compensation raisonnable. Les législateurs ont décidé de maintenir le statu quo jusqu’à nouvel ordre.
Le Canada n’est pas le seul endroit où on débat la question. En France, on réfléchit à l’idée de lever l’anonymat des donneurs de sperme. Des pays l’ont déjà fait, comme la Suède, l’Angleterre, l’Autriche, la Nouvelle-Zélande et certaines régions de l’Australie. Dans ces pays, les enfants peuvent, après 18 ans, entrer en contact avec leur géniteur, s’ils le désirent.
Pour certains, l’anonymat des donneurs coule de source pour différentes raisons d’ordre social, éthique ou légal. Pour d’autres, lever l’anonymat des donneurs permettrait notamment d’humaniser tout le processus. Le débat est clos pour l’instant sur la scène publique canadienne. Entre-temps, l’espoir de retrouver leur géniteur s’effrite pour ces enfants en quête d’identité.
Journaliste: Solveig Miller
Réalisatrice: Anne Sérode