Psychologie et guérison
Toutes
les recherches récentes sur le cerveau le démontrent.
Pour bien soigner le corps, il faut choyer la tête,
maîtriser stress et mal-être. Les voies
pour y parvenir sont variées : méditation,
yoga, prière... Un point commun : ces méthodes
modifient les circuits cérébraux. Le mot-clé
: le cerveau limbique, siège des émotions.
Se maintenir en santé, guérir, n'est donc
pas une simple question de chimie. Il faut aussi se
préoccuper de son état d'esprit.
Journaliste:
Solange Gagnon
Réalisatrice : Jo-Ann Demers
|
En raison des droits d'auteur,
ce reportage ne sera pas disponible sur Internet. |
Le corps humain est une prodigieuse machine.
Il peut accomplir des choses extraordinaires et, en
même temps, se défendre contre les agressions
de toutes sortes grâce à son système
immunitaire. Parfois, ces mécanismes de guérison
tombent en panne, laissant toute la place aux maladies
infectieuses, au cancer. Heureusement, la médecine
moderne dispose d'une vaste pharmacopée pour
nous venir en aide. Pourtant, en misant exclusivement
sur la chimie, on néglige un joueur fort important
: le cerveau.
« On
a tous un potentiel d'adaptation face à un diagnostic.
On peut s'adapter de façon très positive
en disant : "je vais me battre", ou de
façon très négative en disant :
"je suis foutu". Selon le cas, on n'active
pas les mêmes régions cérébrales »,
explique le Dr Pourcher. Je vais me battre, je suis
foutu. Deux réactions qui reflètent des
états psychologiques aux antipodes : bien-être,
mal-être. Deux états qui ont des répercussions
diamétralement opposées sur notre système
immunitaire, sur notre état de santé.
Corps et esprit sont intimement liés,
grâce au cerveau. Dès qu'une situation
menaçante survient, c'est le cerveau des émotions,
qu'on appelle aussi système limbique, qui réagit.
À chaque stress qui nous assaille, l'amygdale,
véritable système d'alarme, envoie ses
messagers chimiques vers l'hypothalamus. Le signal est
aussitôt relayé vers l'hypophyse, puis
vers les capsules surrénales. Mises en alerte,
celles-ci libèrent plusieurs hormones, dont l'hormone
du stress, le cortisol. Le tronc cérébral
s'éveille à son tour et met en branle
tous nos organes vitaux. Le cur bat plus vite,
la pression sanguine augmente, le rythme des poumons
s'accélère, les bronchioles se dilatent,
transportent plus d'oxygène, la peau libère
la sueur, le niveau de sucre dans le sang augmente.
Cet ensemble de réactions en cascade, inscrit
dans notre patrimoine génétique, est au
cur de nos mécanismes de survie.
Normalement, tous ces effets sont passagers
et disparaissent dès que le stress déclencheur
cesse d'agir. Mais la vie n'est pas aussi simple. Le
stress, parfois, peut persister, devenir chronique.
Claudine
Boyer, une jeune mère de famille de 36 ans, a
vécu semblable situation. Il y a trois ans, elle
apprenait qu'un cancer des poumons très agressif,
un sarcome, la menaçait. Ses chances de survie
étaient de 20 %, à peine. Chimiothérapie
et chirurgies se succèdent. Rien ne va plus.
Ni dans le corps ni dans la tête. « J'arrivais
au stationnement de l'hôpital Maisonneuve, j'arrêtais
de respirer, je bloquais complètement. J'étais
prise dans la bulle de diagnostic, cancer égale
mort. J'étais habitée par une peur »,
raconte-t-elle.
Difficulté à respirer,
serrement de gorge, voilà des symptômes
reliés à des stress de longue durée.
L'amygdale, continuellement sollicitée, déclenche
ces réactions à répétition.
Le cortisol atteint de fortes concentrations. Le système
immunitaire s'effondre. Après un certain temps,
le système nerveux, épuisé, devient
dysfonctionnel. Il ne peut plus faire face aux situations
nouvelles. Un sentiment de détresse, de profonde
anxiété s'installe.
Peut-on renverser la vapeur, mettre fin
à ce cercle vicieux? Les neurologues et psychologues
croient que oui. Pour ça, il faut agir sur notre
cerveau, modifier nos circuits nerveux afin de remettre
en uvre nos capacités d'autoguérison.
Une entreprise hautement subjective qui nécessite
un travail de maîtrise de ses émotions.
Plusieurs approches ont déjà fait leurs
preuves : méditation, yoga, relaxation, prière,
etc. Issus de contextes culturels, religieux ou mystiques
différents, ces approches ont toutefois la composante
commune de mettre en place un environnement sécurisant
qui favorise la maîtrise de soi.
Pour
discuter des voies d'autoguérison, Jean-Charles
Crombez, psychiatre au Centre hospitalier de l'Université
de Montréal, s'appuie sur 30 ans de recherches.
Il est convaincu que la maîtrise de soi, des émotions,
ça s'apprend. Pour faciliter cet apprentissage,
il a développé une approche nouvelle,
dépouillée de tout contexte mystique ou
religieux. Ses sessions se déroulent dans un
environnement qui facilite la plongée dans notre
monde intérieur. Les premières fois, un
psychologue nous apprend à bien y naviguer. L'objectif
est de parvenir à prendre du recul par rapport
à nos émotions, à défaire
les nuds. C'est la seule façon d'arriver
à créer un espace intérieur respirable
où les autres aspects de la vie pourront enfin
trouver leur place. Pour Claudine Boyer, cette méthode,
la méthode ÉCHO, découverte quelques
mois après l'annonce de son cancer, lui a apporté
une véritable décharge d'oxygène.
« Autant la maladie était là,
autant je peux vous dire qu'elle est maintenant à
côté de moi. Elle est toujours là,
j'y pense toujours, mais elle ne m'étouffe plus.
J'arrive à fonctionner dans la vie. J'arrive
à avoir des projets. J'arrive à aller
chez le médecin sans être totalement angoissée. »
Quels changements toutes ces pratiques
apportent-elles dans les circuits du cerveau pour aider
au passage d'un mal-être profond à un bien-être
véritable? Une étude récente, effectuée
au Centre des neurosciences affectives à l'université
du Wisconsin, peut en fournir la clé. Le professeur
Richard Davidson a étudié, au moyen d'une
caméra à positron, le cerveau de moines
bouddhistes pendant qu'ils méditent. La maîtrise
de soi et la sensation de bien-être qui en résulte
animent de nouveaux circuits cérébraux.
Les lobes préfrontaux du cortex cérébral,
siège de la conscience et du contrôle des
émotions, sont activés. Puis tous les
circuits de gratification, à base de dopamine,
entrent en jeu. L'amygdale met fin à la situation
d'alerte. La production de cortisol cesse. Les organes
vitaux et le système immunitaire reprennent leur
fonctionnement normal.
Le corps humain est une prodigieuse machine.
Au cours d'une vie, on ne peut empêcher que des
stress intenses mettent son équilibre en péril,
mais en misant sur la partie consciente de notre cerveau
et sur la maîtrise de soi, on peut aider à
son bon fonctionnement. C'est la force de notre espèce!
Pour en savoir plus :
Le
cerveau mystique
Dossier de Radio-Canada, tiré de l'émission
Découverte
Le
Cerveau à tous les niveaux
Site de vulgarisation scientifique sur le cerveau
La
localisation du « cerveau des émotions »
Page sur le cerveau limbique, historique
|