Elles
sont parmi nous ! Des nuées de coccinelles asiatiques ont envahi des milliers
de maisons du Québec cet automne. Importé aux États-Unis pour lutter contre
les pucerons, ce super prédateur est devenu en moins de vingt ans un superbe
casse-tête pour tous ceux qui doivent maintenant cohabiter avec lui. On
s'est débarrassé d'un problème, c'est vrai, mais celui qu'on a créé en
même temps est loin d'être réglé !
Ce
nouvel intrus…
Les Cantons de l'Est, c'est magnifique. Les belles couleurs en automne,
les animaux, les montagnes, et surtout, pas trop d'insectes. Enfin… jusqu'à
tout récemment… Gilles Lanthier habite Warden, dans les Cantons de l'Est.
Il a eu droit à toute une visite cet été: «Quand c'est plus chaud,
on multiplie ça disons par 10 à 100 fois. C'est inouïe.. C'est une invasion
incroyable, incroyable».
Le coupable, c'est ce petit coléoptère, connu sous le nom de coccinelle
asiatique. Les belles journées d'octobre, les coccinelles asiatiques sortent
de la forêt par milliers et viennent se plaquer par dizaines, sur la maison
de monsieur Lanthier : «Puis il y a l'odeur, vous savez, ça laisse
un petit lait jaune orange…, c'est pas beau et ça sent pas bon, j'aime
vraiment pas ça!». Un peu partout dans la région, on observe le
même phénomène. Des nuées de coccinelles qui s'amassent sur les murs des
maisons.
|
Mais
d'où viennent tous ces insectes ?
Originaire du Japon, la coccinelle asiatique a été introduite
dans les vergers du sud des États-Unis pour combattre les insectes
nuisibles. Un travail qu'elle accomplit à merveille… |
|
«D'abord, il
faut dire que c'est une très grosse coccinelle, une des plus grosses coccinelles
que l'on a maintenant ici au Québec. C'est aussi une espèce très prolifique,
qui va se reproduire de façon très rapide, qui va pondre beaucoup d'œufs.
Donc pas surprenant qu'on la qualifie souvent dans la littérature, d'un
super prédateur…», - Daniel Coderre entomologiste, à l'UQAM.
Un
super prédateur mais aussi un grand voyageur…
|
*Introduite
au Mississippi et en Louisiane au début des années 80, la coccinelle
asiatique envahi rapidement l'ouest et le nord des États-Unis.
Puis, elle pénètre au Canada. On l'observe pour la première
fois au Québec en 1994, à Frelishburg, dans les Cantons de l'Est
. * Ici comme ailleurs, elle va occuper tout l'espace disponible.
Même celui de nos propres coccinelles |
|
Une
petite étrangère qui s'adapte très bien au climat québécois…
Si la coccinelle asiatique connaît autant de succès, c'est qu'elle s'adapte
magnifiquement à son environnement. Par exemple, dans la même population,
on retrouve une grande variété de couleurs :
|
La
coccinelle asiatique :
une grande variété
de couleurs...
Pourquoi?
Les insectes pâles supportent bien le soleil des régions chaudes,
alors que les insectes foncés retiennent mieux la chaleur
dans les régions froides. C'est pourquoi on retrouve plus
d'insectes foncés dans les régions nordiques, comme la coccinelle
noire à tache rouge.
|
|
|
Mais la coccinelle
asiatique a un talon d'Achille : la neige. Chez
nous, les coccinelles passent l'hiver dehors, au pied d'un arbre isolé.
Elles sont des dizaines de milliers à se rassembler au même endroit. Durant
l'automne, leur corps produit un liquide antigel très efficace. Même sous
la neige, ce liquide les protègera du grand froid. La coccinelles asiatique,
elle, ne produit pas cet antigel naturel. Il a donc fallu qu'elle s'adapte.
Et comme nous l'indique
M. Lanthier, une fois l'hiver commencé, cette nouvelle venue aime bien
rentrer au chaud dans nos maisons… pour y rester…
«Elle
n'en sortent plus, alors là c'est un fléau incroyable (…) Elles trouvent
un trou et rentrent dans la maison, mais ce qui est particulier de ces
"bibittes-là", de même que pour certaines mouches, elles laissent des
odeurs, des phéromones, et ça donne le signal aux autre : elles sont alors
des myriades à utiliser le même trou. S'il y avait un seul trou dans maison,
elles le trouveraient, c'est sûr…».
Une fois à l'intérieur de la maison, ces coccinelles se cachent et entrent
en dormance. Mais au cours de l'hiver, elles se réveillent à plusieurs
reprises. Et parfois, c'est l'enfer…
«Si on a le malheur d'allumer la lampe qui est au dessus de la table,
c'est sûr que, question de chaleur, elles vont venir «se ploguer»
là-dessus. Jusqu'à ce qu'elles aient trop pour tomber dans notre repas…»,
- Gilles Lanthier.
Un insecte dont
on ne peut plus se départir?
Depuis
un an, le Gouvernement du Québec a reçu des milliers de plaintes.
On a d'ailleurs mis sur pied une équipe chargé de renseigner les
citoyens sur ce nouveau phénomène.
|
Michèle Roy est la
responsable de cette équipe au Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation (MAPAQ). Selon l'agronome-entomologiste, les Américains
ont manqué de prudence : «En lutte biologique, on fait l'évaluation
des risques d'habitude quand on introduit des insectes, mais y a des cas
où on s'est trompé et là, on regarde ce qui se passe présentement : on
sait que, cette coccinelle semble déplacer d'autre coccinelles qui nous
sont utiles et on voit qu'elle cause de la nuisance chez les humains.
Parfois, les hommes font des choix pour essayer de sauver des cultures,
ou minimiser l'utilisation des pesticides, mais on est pas parfait!».
L'équipe
de Michèle Roy se penche présentement sur les impacts que pourrait avoir
ce petit coléoptère au cours des prochaines années. Daniel Coderre lui,
a choisi une autre voie. Depuis plusieurs années, il élève en laboratoire
des coccinelles maculées du Québec. Pour lui, la lutte biologique doit
respecter certaines règles : «Ça nous apprend en fait que c'est
toujours dangereux de jouer à l'apprenti sorcier, ça nous apprend aussi
qu'il n'y a pas une solution miracle et qu'il faut être très prudent particulièrement
lorsqu'on introduit des espèces exotiques. De travailler en lutte biologique
avec des espèces indigènes, des espèces qui sont adaptés à nos conditions,
qui ont des stratégies qui ne nuisent pas à l'humain généralement, est
beaucoup plus souhaitable que l'introduction d'espèces exotiques, le risque
est plus grand en fait lorsqu'on fait ce type de lutte biologique là».
Exterminer
ou non cette petite bête?
Cet automne, les coccinelles asiatiques étaient plus nombreuses que jamais.
C'est pourquoi plusieurs propriétaires ont fait appel à des exterminateurs.
Mais il y a un risque. On sait que les insecticides répandus sur l'extérieur
des maisons peuvent avoir des effets majeurs sur la santé humaine. Et
entre autres, sur le système immunitaire. 'une
épaisse muraille étanche qui descend jusqu'au roc.
|
Il
existe une solution plus écologique : calfeutrer toutes les
ouvertures extérieures par où l'insecte pourrait s'introduire
dans la maison. Et pour ceux qui réussissent à entrer : pas
de pitié ! |
|
|
Mais existe-il vraiment
une solution pour combattre ce fléau? Malheureusement non, nous admet
Michèle Roy : «On essaie d'en trouver, on essaie de voir, y a des
gens qui vont peut-être être imaginatifs et puis on va peut être développer
des solutions mais on constate le problème, c'est tout nouveau comme problème».
Qu'on le veuille ou non, il va falloir se faire à l'idée : le Québec héberge
un nouveau pensionnaire. Et ce pensionnaire n'a pas fini de coloniser
la province…
On
retrouve actuellement des coccinelles asiatiques dans tout le sud
du Québec et jusque dans la région de Charlevoix. On prévoit même
qu'elles se rendront jusqu'en Gaspésie et au Lac-Saint-Jean…
|

«Dans les Cantons de l'est, on se vantait qu'on avait pas beaucoup
de maringuouins mais on a des coccinelles. Les gens des
Laurentides vont rire de nous maintenant!».
Journaliste: Normand Grondin
Réalisateur: Pascal Gélinas
|