Un recensement compliqué (1)
Après plus de 20 ans de protection, on peut se demander si
la population de bélugas du Saint-Laurent est toujours en
déclin. Le biologiste Michael Kingsley, de l'Institut
Maurice-Lamontagne, s'est posé la question. Depuis 1990,
il a mené plusieurs recensements de la population. Mais il
n'est pas facile de recenser ces mammifères marins. Les recensements
sont aériens, et des facteurs comme la brume, souvent présente,
et l'opacité des eaux du fleuve compliquent la tâche.
Au
GREMM de Tadoussac, le Groupe de recherche et d'éducation
sur le milieu marin, une équipe de chercheurs et de bénévoles
a monté un véritable album de famille des baleines
du Saint-Laurent. Ici, on s'intéresse
aux grosses baleines comme le rorqual commun, qui visite la région
en été, mais surtout à la seule baleine qui
reste toute l'année dans l'estuaire, le béluga.
Dans
l'album de photos du GREMM, on retrouve plus de 400 bélugas
identifiés et nommés, et dont on peut suivre les comportements
d'année en année. C'est
souvent à la loupe qu'on
étudie les négatifs des photos prises lors des observations.
Même si la plupart des bélugas portent des marques
et des cicatrices distinctives, reconnaître le même
béluga d'une photo à l'autre n'est pas aisé.
Grâce aux observations accumulées au cours des ans,
les biologistes ont aujourd'hui une meilleure idée de la vie des
bélugas dans le Saint-Laurent.
En été, leur habitat est plutôt restreint. Vivant
en troupeau, les bélugas voient leur territoire scindé
en deux. À l'est de Tadoussac, on retrouve surtout des groupes
de mâles, tandis que l'ouest de Tadoussac est le domaine des
mères accompagnées de leurs veaux.
L'hiver, les bélugas élargissent leur
habitat, et on ne sait pas très bien ce
qu'ils font. Ils semblent être nombreux à nager entre
les glaces dans le golfe au large de Sept-Îles.
Voici
comment on procède à leur recensement. Un avion muni
d'une caméra survole le fleuve. Ce dernier est découpé
en segments, et chaque segment est photographié. On examine
ensuite soigneusement les photos obtenues en utilisant les meilleurs
outils possibles : tables lumineuses et microscopes à
dissection.
Michael
Kingsley a revu et analysé les données des recensements
depuis 1977. Selon lui, une tendance se dessine. Le nombre réel
de bélugas serait bien supérieur aux estimations. Cette
interprétation ne fait pas l'unanimité, mais des indices
comme l'augmentation du nombre de jeunes tendent à appuyer
l'hypothèse de Michael Kingsley.
Comme
les bélugas deviennent adultes à six ans et qu'une
mère n'a un petit qu'à tous les trois ans, il est
très difficile de déceler une augmentation d'une année
à l'autre. Pour le moment, la majorité des biologistes
préfèrent être prudents et parler de stabilité.
Mais tous s'entendent pour dire que la population de bélugas
du Saint-Laurent n'est plus en déclin.
Qu'il
y ait croissance ou non, il se pourrait que les biologistes aient
toujours sous-estimé la taille réelle de la population.
En effet, lors des inventaires aériens, on dénombre
les bélugas visibles sur les clichés photographiques.
Sur la photo ci-contre, un expert discerne
sept bélugas en surface ou près de la surface. Mais
pour ces sept bélugas visibles, combien sont en plongée
profonde, invisibles à la caméra?

500 ou 1000?
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