Décret de protection du caribou : Ottawa confirme vouloir exempter Hydro-Québec
Le Bloc québécois exige une évaluation de l'impact du décret sur le développement des énergies vertes.

Le gouvernement canadien veut protéger trois hardes de caribous dans la forêt boréale du Québec.(Photo d'archives)
Photo : iStock
Le gouvernement fédéral confirme son intention d'exempter les projets d'Hydro-Québec de son décret de protection du caribou forestier, comme révélé par Radio-Canada. Le Bloc québécois a déposé une motion, vendredi, pour que le sujet soit étudié en comité parlementaire.
Toute la question est de savoir si la volonté du fédéral de protéger la biodiversité ne va pas nuire aux efforts de lutte contre les changements climatiques.
Effectivement, on envisage d’exclure les projets d’énergie renouvelable [et] de transition énergétique du décret fédéral
, a déclaré le ministre fédéral de l'Environnement, Steven Guilbeault, vendredi, lors d'un point de presse à Trois-Rivières.
Une fois en vigueur, le décret proposé par le ministre fédéral de l'Environnement, Steven Guilbeault, protégera des zones de l'habitat de trois populations de caribous boréals (Val-d'Or, Charlevoix et Pipmuacan) en interdisant des activités telles que l’exploitation forestière et l'extension du réseau de chemins.
Le décret pourrait aussi forcer le reboisement de chemins forestiers. Ceux-ci détruisent l'habitat du caribou et favorisent le déplacement des prédateurs naturels, comme le loup.
Il n’est pas question pour nous de pénaliser la transition et l’économie verte et [l']on voit d’un très bon œil des exemptions pour des projets comme ceux d’Hydro-Québec sur certaines de ces terres-là.

La population de caribous est en déclin au Québec depuis plusieurs années. (Photo d'archives)
Photo : Jean-Simon Bégin
Préoccupations à Hydro-Québec
Selon nos sources, Hydro-Québec est préoccupée par le décret fédéral qui prévoit de s'attaquer aux chemins forestiers dans des secteurs où elle a des infrastructures et où elle prévoit des développements.
La société d'État a même évalué l'impact que pourrait avoir le décret en termes de mégawatts dont elle a besoin pour répondre à la demande croissante d'électricité et à la transition énergétique (nouvelle fenêtre).
Hydro-Québec est partenaire de projets d'éoliennes et a elle-même l'intention de développer d'importants projets éoliens dans des secteurs potentiellement visés par le décret, au Saguenay–Lac-Saint-Jean et sur la Côte-Nord.
Des lignes de transport d'électricité traversent aussi ces zones ou doivent les traverser à l'avenir, à mesure que le réseau va se développer.

Des chemins forestiers sont nécessaires pour développer et entretenir les parcs éoliens. Ici, le projet Des Neiges, de Boralex, dans Charlevoix. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada/Jean-François Nadeau
Discussions en cours
Au cabinet du ministre Steven Guilbeault, on nous explique qu'il y a des conversations
avec Hydro-Québec et Boralex et que les deux organisations ont fourni des cartes pour voir où sont leurs chemins et leurs projets, pour voir où il y a du chevauchement entre les zones visées et celles qu'ils veulent développer
.
On va faire des ajustements à la carte, d'ici la fin du processus, pour s'assurer de réduire au maximum l'impact socioéconomique
, ajoute le cabinet.
Les projets d'électricité verte sont une priorité de notre gouvernement, donc c'est fort probable qu'on va faire des ajustements pour faciliter leur développement.
Le fédéral a déjà décidé d'exclure de son décret les mines de minéraux critiques, nécessaires à la transition énergétique (fabrication de batteries, par exemple), autant pour les projets actuels que pour les projets futurs.
Ce sera similaire pour les projets d'énergie verte
, explique le cabinet du ministre Guilbeault. On essaie d'être conséquents
entre le travail sur les changements climatiques et le travail sur la biodiversité.

Le ministre fédéral de l'Environnement, Steven Guilbeault, estime que le caribou n'est pas suffisamment protégé au Québec. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Patrick Butler
On veut voir une réduction nette des routes forestières, mais ça n'empêche pas d'en développer de nouvelles
, précise le cabinet du ministre. Il faudra toutefois obtenir un permis pour faire un chemin.
Des consultations sont en cours jusqu'au 15 septembre concernant la portée du décret. Le gouvernement du Québec refuse d'y participer et on ignore encore si Hydro-Québec y prendra part.
Nous poursuivons l’analyse des documents en lien avec l’avis d’intention du gouvernement fédéral qui comprennent un ensemble de dispositions et de critères d’application
, nous répond la porte-parole de la société d'État Lynn St-Laurent.
Le Bloc québécois exige une évaluation d'impact
Je veux connaître les impacts du décret sur les projets d'énergie propre
, dit le député bloquiste de Jonquière, Mario Simard, dont une partie de la circonscription est située dans l'une des zones visées par le décret, à cheval entre le Saguenay–Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord.
Selon lui, une telle évaluation doit être rendue publique, car ça doit entrer dans le calcul coûts-bénéfices de la mise en place du décret
. Il a déposé, vendredi, une motion au Comité permanent de l'environnement et du développement durable pour que soit ajoutée une séance afin d'étudier cette question.

Mario Simard est le député bloquiste de Jonquière. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Émile Lapointe
Le député d'opposition craint des conséquences sur l'atteinte des cibles de réduction des gaz à effet de serre. Il rappelle que le dernier budget fédéral prévoit d'importants crédits d'impôt dans les énergies propres.
Maintenant, c'est au ministre Guilbeault de faire la démonstration que son décret a plus d'impacts bénéfiques au point de vue environnemental qu'il a d'effets néfastes.
Dans une lettre envoyée au fédéral le mois dernier, le gouvernement du Québec y allait d'une mise en garde : En agissant ainsi, le gouvernement fédéral nuit au potentiel de développement énergétique du Québec, notamment au chapitre du développement de la filière éolienne.
Un décret d'urgence pourrait compromettre nos efforts de production d'énergie verte. Il serait inacceptable que le gouvernement fédéral vienne mettre en péril l'atteinte de cet objectif.

La lettre a été écrite par le ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada
Le gouvernement caquiste estime qu'Ottawa se livre à de l'ingérence et ne respecte pas les compétences du Québec. Selon la province, la protection des espèces terrestres est une compétence exclusive du Québec.
Ainsi, le gouvernement Legault a refusé de participer aux consultations sur le décret. Ottawa ne nie pas que Québec a préséance et préférerait ne pas avoir à agir si seulement la province faisait les efforts jugés nécessaires.
Mon souhait le plus cher, c’est qu’on réussisse à s’entendre avec le gouvernement du Québec
, a dit le ministre Steven Guilbeault.
De son côté, Hydro-Québec convient de l'importance de protéger le caribou forestier. La société d'État dit être engagée dans une trajectoire de décarbonation et reconnaît que les infrastructures nécessaires pour y arriver devront être compatibles avec la protection de la biodiversité
.