Micheline Lanctôt
Parcours de vie
- Nom Complet :
- Micheline Lanctôt
- Date de naissance :
- Lieu de naissance :
Montréal
- Professions :
Actrice, réalisatrice, scénariste et productrice
- Diplôme :
Diplôme d’études supérieures en musique (piano et violoncelle)
- Premier rôle d’importance :
Bernadette dans La vraie nature de Bernadette de Gilles Carle
- Principales réalisations :
L’homme à tout faire, Sonatine, Deux actrices, La vie d’un héros, Le piège d’Issoudun, Les guerriers, Le mythe de la bonne mère, Pour l’amour de Dieu, Autrui
- Prix et récompenses :
Lion d’argent de la Mostra de Venise pour Sonatine, prix Génie de la meilleure réalisation pour Sonatine, prix AQCC-SODEC pour Deux actrices, prix Albert-Tessier pour sa contribution au milieu artistique québécois, prix Valois Magelis du meilleur film pour le long métrage Pour l’amour de Dieu, prix Jutra Hommage pour l’ensemble de sa carrière.
Biographie
Micheline Lanctôt est née à Frelighsburg au sein d’une famille aisée. Passionnée par la musique et les arts, elle effectue des études en piano, en violoncelle et en histoire de l’art, avant de découvrir le cinéma d’animation à l’Office national du film (ONF). En 1972, Gilles Carle la rencontre par hasard et lui offre le rôle principal de son film La vraie nature de Bernadette, qui devient un succès international et la mène jusqu’au Festival de Cannes. Les rôles s’enchaînent ensuite pour Micheline Lanctôt. Elle joue notamment la compagne de Richard Dreyfuss dans L’apprentissage de Duddy Kravitz de Ted Kotcheff, qui devient par la suite son amoureux. Elle part vivre avec lui à Los Angeles, mais, malheureuse dans cet univers bourgeois et superficiel, elle quitte tout et revient à Montréal en 1980 où elle amorce une carrière au petit écran au cours de laquelle elle jouera dans de nombreuses téléséries.
Après avoir fait l’expérience de la réalisation d’un premier film d’animation, A Token Gesture, en 1976, la comédienne se lance dans son premier long métrage de fiction, L’homme à tout faire, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes et lauréat d’une médaille d’argent au Festival de San Sebastian. Elle enchaîne avec Sonatine, gagnant du Lion d’argent à la Mostra de Venise et du prix Génie de la meilleure réalisation. Mère de deux enfants, nés en 1982 et en 1985, Micheline Lanctôt continue à mener de front vie familiale et carrière de cinéaste avec les films Deux actrices et La vie d’un héros.
Après une pause de quelques années comme réalisatrice, elle coproduit Le piège d’Issoudun qui aborde le sujet difficile d’une mère qui désire mourir avec ses deux jeunes enfants en les entraînant avec elle dans la piscine familiale. Elle réalise ensuite les longs métrages Suzie, Pour l’amour de Dieu et, plus récemment, Autrui. Micheline Lanctôt a aussi réalisé les téléfilms Les guerriers et Onzième spéciale ainsi que les documentaires Le mythe de la bonne mère et La poursuite du bonheur.
Photographies

Les parents de Micheline Lanctôt

Micheline, bébé, en 1947

Micheline Lanctôt âgée d’un an, 1948

Micheline Lanctôt âgée de 3 ans, mai 1950

La fratrie Lanctôt

Dans le verger de son père à Frelishburg

La maison familiale à Frelishburg, dans les années 50

Au début de sa carrière d’actrice

Actrice, réalisatrice, scénariste et productrice

Avec son mari, Claude Pillard, décédé en 2010

Entrevue Magazine
Où êtes-vous née et dans quel type de famille avez-vous évolué?
Je suis née en 1947 dans une famille bourgeoise. Mon père et ma mère venaient d’Outremont. Mon grand-père Lanctôt a fondé la Faculté de pharmacologie à l’Université de Montréal. On avait des réunions de famille régulièrement pendant des années, une fois par année. Il y avait des réunions du clan. C’était fascinant parce que les Lanctôt étaient tous de grandes gueules qui parlaient fort. Alors, nous autres, les enfants, nous ne pouvions jamais dormir. Un de mes plus beaux souvenirs d’enfance, c’est d’être assise dans la cage d’escalier à Outremont, dans notre maison, pendant que « ça placote ». J’aimais ça; je les écoutais parler.
Comment étaient vos parents?
La famille de ma mère était bourgeoise, mais pas du tout conventionnelle. La famille de mon père était bourgeoise extrêmement conventionnelle. Cependant, mon père était un peu bohème. C’était presque un jésuite, car il avait fait un noviciat de neuf ans. Il parlait grec et latin couramment. C’est ma mère qui l’a détourné de sa vocation évidemment. Elle sortait avec son frère et ils étaient allés voir mon père au séminaire. Coup de foudre! Ma mère a arrêté de sortir avec son frère. Ils ont commencé à s’écrire, puis mon père est sorti de chez les Jésuites pour épouser ma mère. C’était un intellectuel, un « culturel » et il ne se voyait pas travailler. Ils se sont mariés pendant la guerre en 1941, puis mon père a acheté un verger. Ensuite, il a travaillé pour l’entreprise familiale de ma mère, dans les produits pharmaceutiques.
Comment avez-vous vécu avec la bourgeoisie de votre famille?
J’avais vraiment une famille extrêmement bourgeoise. Un peu comme on en voit dans Le charme discret de la bourgeoisie. J’avais une tante qui portait de grands chapeaux et des gants jusqu’aux coudes. Elle était d’une élégance suprême. J’avais des tantes assez étroites d’esprit, qui ne voyaient pas les activités culturelles de mon père d’un très bon œil. Mes parents étaient différents, ils n’étaient pas dans cette mouvance-là du tout. Grâce à Dieu! Alors, j’ai eu le meilleur des deux mondes. On avait une bonne à la maison avec une petite sonnette. Ça m’horrifiait d’ailleurs! Très tôt, je me suis détachée de ce milieu-là, mais je lui dois mon éducation, mon cours classique, la possibilité d’avoir accès aux arts très jeune, une immense bibliothèque à travers laquelle je suis passée quand j’avais 10 ans. J’étais une lectrice compulsive de tout. Je vivais beaucoup dans un univers fantaisiste.
Quel type d’élève étiez-vous?
J’étais la première de classe classique. J’adorais l’école, alors les sœurs m’adoraient. J’avais toutes les bonnes grâces des religieuses. J’ai été première de classe longtemps, mais j’avais beaucoup de difficulté à m’ajuster à mes compagnes de classe. J’ai sauté une année, alors je me suis retrouvée avec des filles plus vieilles. À l’âge de la puberté, ça compte beaucoup. Elles faisaient des farces que je ne comprenais pas. Alors, j’ai été assez misérable parce que toutes les filles étaient plus vieilles que moi. Le souvenir que j’ai de ma période au couvent, c’est beaucoup d’humiliation. Je voulais me faire accepter, alors je suis devenue turbulente. Mes notes ont chuté pendant ma période au couvent. Après ça, ça s’est calmé. J’ai assez bien fini mon cours classique.
Étiez-vous une enfant surdouée?
Je n’ai jamais fait le test, mais mon frère m’a dit qu’un des signes de la douance, c’est lorsqu’un enfant est capable de lire à 2 ans. On m’a dit que c’était mon cas, mais je n’en ai aucun souvenir. Donc oui, je devais avoir une forme de douance. Tout le monde chez nous est assez intelligent. Mon frère est membre de Mensa. Il a fait le test. Ma fille a un Q.I. phénoménal. Toutefois, il y a maintenant tellement de types d’intelligence, et l’on ne peut pas faire bonne figure dans tout. J’ai toujours trouvé qu’il y avait dans les gens dits « du peuple », des intelligences remarquables qui ne sont pas nécessairement des intelligences instruites ou sophistiquées. C’est quelque chose que l’on sous-estime d’ailleurs beaucoup, d’après moi. Le public est beaucoup plus intelligent que l’on pense. Oui, j’ai des connaissances encyclopédiques, j’ai une mémoire phénoménale, mais je n’ai aucun mérite. Je retiens les choses facilement, mais je n’en fais pas une marque de supériorité.
Quel était votre refuge contre la méchanceté de vos camarades de classe?
Je n’en ai revu aucune et je n’ai pas gardé de bons souvenirs d’elles. Les enfants sont souvent méchants, mais c’était surtout ce sentiment de rejet constant qui me faisait souffrir. J’étais déjà rejetée parce que j’aimais faire du théâtre à l’école : les costumes, la décoration des tableaux. De plus, j’étais chouchou des sœurs. Ça, c’est mortel, c’est comme une exclusion automatique. Je restais souvent après l’école, après la classe, mais c’était des choses que les filles ne pouvaient pas concevoir. J’étais musicienne, j’avais mes cours de piano et tout. Alors, ça a créé un gros mur entre mes compagnes de classe et moi. Je n’avais pas d’amies à l’école. J’en ai eu une, qui était une grande amie. Évidemment, ça n’a pas aidé qu’à 14 ans, je suis devenue anorexique. Ça a coupé définitivement mes liens avec le reste de mes compagnes de classe. Même ma meilleure amie m’a lâchée parce qu’elle ne comprenait pas ce qui m’arrivait. Donc, ça a été une période assez difficile.
Dans quel contexte avez-vous souffert d’anorexie?
C’était en 1961 et il n’y avait à peu près pas de documentation sur ce que l’on appelait anorexia nervosa. On ne connaissait pas ça et ne savait pas ce qui déclenchait cette maladie-là. Il y avait eu un livre, je pense, écrit dans ces années-là. On ne savait pas comment gérer ça du tout ni quelles étaient les causes profondes. Les psychanalystes appellent ça une maladie paradoxale parce que, pour se prouver qu’elle existe, l’enfant se détruit. C’est un paradoxe. Moi, je suis passée vraiment à deux semaines de la mort. D’après mon oncle, qui était médecin, je suis descendue à 72 livres. Si j’avais perdu 2 ou 3 livres de plus, on n’aurait pas été capable de me ramener à la vie. Il m’a menacée d’hospitalisation, puis, dans ma tête, ça a fait un déclic. Je me suis dit : « O.K., vous voulez que je mange? Je vais manger. » Alors, j’ai fait 18 ans de boulimie. Ce n’est pas facile à traiter ça non plus. Il y avait une grande part de troubles anxieux là-dedans. Ça court dans ma famille et ça s’est manifesté comme ça chez moi. J’ai appris à vivre avec, mais j’ai réussi à me débarrasser du symptôme.
Avez-vous étudié à l’université?
Oui. À l’université, j’ai fait un an d’histoire de l’art, jusqu’à ce que j’apprenne que je n’étais pas faite pour la théorie. J’ai donc quitté l’université au grand dam de mon père qui voulait que je fasse une licence. À l’époque, c’était des licences plutôt que des baccalauréats. Alors, je suis allée à l’École des beaux-arts et je pensais que la pratique me conviendrait mieux. J’ai fait seulement deux mois à l’École des beaux-arts parce que je n’appréciais pas la façon dont on enseignait l’art à l’époque. C’était très académique. Je ne me sentais pas à ma place, alors j’ai lâché l’école après deux mois. J’ai terminé mes études en musique, et je me suis concentrée sur le théâtre qui était ma deuxième passion. C’est à ce moment que j’ai décidé de passer une audition du TNM. À cette audition-là, on m’a dit que j’avais une voix trop grave pour espérer faire autre chose que des rôles de soubrette. Le théâtre était très, très classique à l’époque. Ça m’a découragée, puis je me suis retrouvée dans un petit studio d’animation. On m’a dit : « Pourquoi tu n’essaies pas à l’ONF? » Ça a marché. J’ai fait un an à l’ONF, puis je suis entrée dans le privé chez Potterton Productions. Ça a été une réorientation totale, que je n’ai jamais regrettée d’ailleurs.
Qu’est-ce qui vous a plu dans le domaine de l’animation?
C’est la première fois que je me suis retrouvée avec des gens qui pensaient comme moi et qui partageaient mon univers, ma façon de voir les choses. C’était vraiment la première fois. C’est comme si je rentrais dans ma famille, comme si j’arrivais chez nous. Je me suis dit : « Mon Dieu, le monde ne me trouve pas étrange parce que je parle en onomatopées. Ils ne me trouvent pas étrange parce que je crie. » C’est normal en animation d’être fou. Ça fait que j’étais à ma place. C’est un métier que j’ai adoré, j’en mangeais, j’en faisais 18 heures par jour. Ça a été un gros deuil à faire quand j’ai compris que je ne pourrais pas avancer convenablement dans ce métier-là. C’était un milieu qui était très hiérarchisé. Avant de faire ce qui est excitant en animation, c'est-à-dire créer le mouvement, ça m’aurait pris une éternité, d’autant plus que c’est un milieu qui était quand même assez sexiste.
Comment votre entrée au cinéma s’est-elle produite?
J’ai eu cette chance formidable de rencontrer un cinéaste qui, à l’époque, était un cinéaste marquant, Gilles Carle. Il m’a demandé si ça me tentait de passer une audition pour jouer dans son film. À l’époque, je commençais à être malheureuse en animation parce que je n’avançais pas et j’étais obligée de me battre tout le temps. J’ai été hyper-chanceuse, mais je ne sais pas si l’on fait sa chance. En tout cas, c’était une occasion que je ne pouvais pas refuser, donc je m’y suis consacrée à 100 %. Je me suis retrouvée en sélection officielle au Festival de Cannes. Pour une petite fille de 26 ans qui n’a jamais rien vu, ça a frappé fort. Ça a été un choc brutal parce que je ne connaissais rien de l’industrie du spectacle ni du monde.
Comment Gilles Carle vous a-t-il connue?
On partageait des bureaux quand je travaillais chez Potterton Productions. Nos cases à dessins étaient sur le même étage que les bureaux de Carle-Lamy où Gilles venait tous les jours. Il m’a dit par la suite qu’il m’avait observée, puis qu’il trouvait que j’étais parfaite pour ce personnage-là. Il s’agissait juste de savoir si je savais jouer, mais j’avais heureusement fait du théâtre. J’avais déjà une longueur d’avance si l’on veut, bien que ça ne dispose pas nécessairement à jouer au cinéma. Je pense aussi qu’il me trouvait sexy; j’étais pas mal « pétard ». Puisque je travaillais en animation avec des fous, je m’habillais d’une façon totalement excentrique. Ça m’a tellement marquée. Je suis encore comme ça. Parfois, je vais faire mes courses à l’épicerie, puis c’est par le regard des gens que je vois à quel point ils sont désarçonnés par mon apparence. J’oublie de me peigner, de me laver, j’ai du cambouis sur la figure, j’ai l’air de la chienne à Jacques.
A-t-il été difficile pour vous de trouver votre place dans ce milieu-là?
Ça a été extrêmement difficile pour moi parce que je n’étais pas là-dedans du tout. Quand on est allés à Cannes, j’avais acheté une robe à 10 $ chez Kresge’s. Je la trouvais bien belle. Ça ne me serait pas venu à l’idée de me pomponner pour aller parader à Cannes. Je ne comprenais pas qu’il fallait faire ça. Alors, j’ai toujours été à côté de mes pompes dans ce milieu-là, parce que ce n’est pas naturel pour moi d’évoluer dans le « glamour ». Je n’ai aucun sens de ce que c’est de bien s’habiller. Je ne me coiffe ni me maquille jamais. Ça a provoqué de drôles de réactions parfois. Je me rappelle d’un gala des Génies à Toronto où je n’avais pas d’allure. J’avais fait un gros effort. Je m’étais acheté une robe moulante en laine parce qu’elle n’était pas chère. Je ne portais pas de soutien-gorge à l’époque, donc on a censuré ma présentation au gala. Écoute, je n’ai pas d’allure!
Comment s’est déroulée votre présence à Cannes pour le film La vraie nature de Bernadette?
C’était en 1972, à une époque où le Festival de Cannes était encore une représentation nationale. C’était très officiel. Le Canada avait envoyé une grosse délégation pour s’assurer que le pays soit bien représenté et tout. Dans ma chambre, j’avais trois énormes bouquets de fleurs du directeur du Festival de Cannes, mais rien de la délégation canadienne. Le Canada organisait des soirées et on n’était pas invités. Lors de la représentation, il y avait un protocole, mais personne ne nous avait mis au courant. On a eu l’air complètement niaiseux. Quand on est descendus, Gilles Carle et Donald Pilon m’ont dit : « Sors, c’est toi la vedette. » J’ai marché sur le tapis rouge devant à peu près 1500 personnes, rivières de diamants, étoles de fourrure, gants blancs qui applaudissaient : « Bravo le Canada! » Je vois une limousine avec une porte ouverte, puis un portier en smoking, qui me fait un signe. Je me dis : « Ce doit être notre voiture. On est les vedettes de la soirée. » Alors, je m’assois dans la voiture et l’homme se penche vers moi en disant : « Mademoiselle, ce n’est pas pour vous. » J’ai été obligée de sortir de la limousine en ne sachant absolument pas ce qui se passait. C’était la limousine de l’ambassadeur du Canada, qui n’a pas eu la grâce de me dire : « Madame, je vais vous déposer. » J’étais humiliée et j’ai pleuré de l’aéroport jusqu’à Montréal lors du retour.
Vous êtes devenue, avec ce film, le fantasme de beaucoup d’hommes.
J’ai été le fantasme de deux générations d’hommes. Mes étudiants m’en parlent. Certains me disent que leur père, ou même leur grand-père, s’était entiché de moi. Je trouve ça drôle parce que je n’avais aucune conscience de ça à l’époque. Je n’étais pas consciente de l’image que je dégageais du tout, du tout. C’était une révélation pour moi. Je n’aurais jamais pensé faire un tel effet aux gens. C’était complètement en dehors de ma compréhension.
En quoi le personnage d’Élise dans Unité 9 a-t-il marqué votre carrière?
Ce n’est pas moi qu’il a marquée, mais le public. Avec mes rôles précédents, les gens aimaient ça me haïr. Avec Élise, ça a complètement changé, les gens se sont mis à m’aimer. À m’aimer totalement d’amour. Ça a été surprenant, mais extrêmement gratifiant. Le phénomène est curieux. C’est vraiment un personnage que les gens ont aimé spontanément, aimé d’amour. Il y a des gens qui m’embrassent dans la rue. Pourtant, elle était la seule réelle meurtrière dans toute la bande de prisonnières. C’est ça qui est un peu paradoxal, mais je dois avoir bien purgé ma peine. Il y avait tellement de potentiel dramatique dans ce personnage-là. Des « multipoqués », c’est toujours agréable à jouer parce qu’il y a beaucoup de matière, il y a du jus, il y a des trucs à défendre. Ce sont des personnages complexes, compliqués, qui ont eu des vies difficiles.
Dans quel contexte avez-vous réalisé votre premier film?
Ça a été tout un enchaînement de hasards parce que je n’avais pas du tout l’intention de réaliser des films. J’écrivais beaucoup et j’avais commencé à écrire des scénarios parce que j’en lisais tellement pour mon fiancé de l’époque. Je me disais que je pouvais faire pareil ou mieux. Alors, j’ai commencé à écrire toutes sortes de scénarios. Mon premier long métrage, L’homme à tout faire, a été sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 1980. Ça a été un succès commercial auquel je ne m’attendais pas du tout. C’était un triomphe et ça a commencé comme ça.
On vous reproche parfois de faire des films noirs, obscurs. Pourquoi?
Un producteur m’avait dit un jour : « Tes films sont lourds. Pourquoi tu n’essaies pas de faire des comédies? » Je lui avais répondu ceci : « J’ai connu deux échecs référendaires dans ma vie. Je ne trouve pas ça drôle. » Je ne pense pas que les gens réalisent à quel point le Québec a été marqué par ces deux échecs référendaires là. Il y a quelque chose qui a brisé le moral des Québécois et qui a fait une société qui n’est pas drôle, qui est morne, qui est dépressive, qui n’est pas optimiste, qui ne regarde pas loin. Alors, je pense que c’est à cause de ça que la plupart de mes sujets sont lourds. Ça vient du fait qu’on aurait pu changer notre société, mais qu’on ne l’a pas fait, deux fois.
Vous avez parfois ramé dur au cours de votre carrière, n’est-ce pas?
Pas mal, mais avec bonne humeur. Je n’ai aucune amertume par rapport à ça parce que j’ai quand même réussi à faire mon chemin. Si ça m’avait interrompue dans mes désirs professionnels, probablement que je serais amère. Je me suis débrouillée pour contourner les obstacles et passer à côté. Je suis assez fière de ce que j’ai accompli, bonne ou mauvaise réception, bonne ou mauvaise critique. Je n’ai pas le sentiment d’avoir raté mes films ou d’avoir raté mon coup. Ça a été dur, ça a été 20 fois plus dur que pour mes collègues masculins, mais je n’ai pas fini. Je me dis : « Vous n’aimez pas ça? Je vais en faire un autre! Vous n’aimez pas celui-là non plus? Je vais en faire un autre! »
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Extraits Vidéo
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Micheline Lanctôt parle des troubles alimentaires dont elle a souffert dans sa jeunesse. 01:10 min
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Micheline Lanctôt raconte une anecdote lors de sa participation au Festival de Cannes en 1972 pour le film La vraie nature de Bernadette. 01:55 min
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Micheline nous parle de sa relation avec les critiques. 00:39 min
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