Marcel Dubé
Parcours de vie
- Nom Complet :
- Marcel Dubé
- Date de naissance :
- Date de décès :
- Lieu de naissance :
Montréal
- Études :
Collège Sainte-Marie, Université de Montréal (Lettres)
- Domaines d’expression :
Auteur dramatique pour le théâtre, la radio et la télévision
- Troupe de théâtre (fondateur) :
La Jeune Scène
- Œuvres majeures :
Zone, Le temps des lilas, Un simple soldat, Florence, Le train du Nord, Bilan, Au retour des oies blanches, Les beaux dimanches
- Téléromans :
La côte de sable, De 9 à 5, La vie promise
- Documentaire sur Marcel Dubé :
Les temps de Marcel Dubé, réalisé par Gaëtan Lavoie
- Prix et récompenses :
Prix Victor-Morin, prix Athanase-David, prix Molson du Conseil des arts du Canada, médaille de l’Académie des lettres du Québec, Chevalier de l’Ordre de la Pléiade, Officier de l’Ordre national du Québec, Prix du gouverneur général pour les arts de la scène.
Biographie
L’auteur dramatique Marcel Dubé est né à Montréal en 1930. Pendant ses études au Collège Sainte-Marie, il crée avec ses amis une troupe de théâtre, La Jeune Scène, et devient portier au théâtre du Gesù, où il découvre les possibilités de ce domaine artistique. En 1953, il écrit la pièce majeure de son œuvre, Zone, qui récolte les plus grands honneurs et devient un classique du théâtre québécois.
Une époque prolifique s’entame alors pour Marcel Dubé. Il enchaîne l’écriture d’un nombre impressionnant de dramatiques pour la radio, de télé-théâtres, de téléromans, de textes journalistiques, de traductions, d’adaptations et de récits. Ce travail de plume acharné ne l’empêche pas d’occuper d’autres emplois. Il est tour à tour président de la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC); membre du comité de rédaction des Écrits du Canada français; président du Conseil supérieur de la langue française; président-directeur général et fondateur de la Corporation des rencontres francophones de Québec; fondateur et directeur général du Secrétariat permanent des peuples francophones.
Ayant pavé la voie à plusieurs générations de dramaturges québécois, Marcel Dubé n’en demeure pas moins modeste. Pour lui, écrire des pièces de théâtre était d’abord et avant tout une façon de gagner sa vie.
Photographies
Marcel Dubé en 1956 © Photo Gaby
Marcel Dubé en 1960

En entrevue, 1968

En entrevue, 1968

Marcel au centre avec les acteurs de la pièce Zone, 20 ans plus tard, 1976

En entrevue à Radio-Canada, 1967

Au début de sa carrière de dramaturge

Marcel Dubé, dramaturge
Marcel Dubé recevant le prix Athanase-David en 1973 © Fonds Ministère des Communications, Daniel Lessard

Marcel recevant le prix Athanase-David, affaibli par la maladie de crohn, 1973

À son mariage en 1976

Entrevue Magazine
Comment votre intérêt pour le théâtre s’est-il développé?
Alors que je faisais ma sixième année de cours classique au Collège Sainte-Marie, où se situe aujourd’hui le théâtre du Gesù, on étudiait Racine, Corneille et Molière. Un samedi, l’idée m’est venue d’assister à une représentation de la troupe de théâtre Les Compagnons de Saint-Laurent, qui jouait Antigone de Jean Anouilh. Ça m’a beaucoup intéressé parce que nous avions étudié l’Antigone de Sophocle, qui datait de 400 ans av. J.-C. L’Antigone de Jean Anouilh, elle, était contemporaine. Il y avait tellement de différences que j’avais même entrepris un travail écrit sur le sujet, que je n’ai cependant jamais terminé.
Cette expérience vous a-t-elle marqué?
Oui, ce fut un choc. C’était magnifique quand le rideau s’ouvrait! Il y avait des personnages dans l’ombre. À l’avant-scène, dans un seul rayon, Jean Coutu était là, avec sa voix remarquable et une présence extraordinaire. Il présentait les personnages de la pièce. J’étais fasciné, mais pas encore au point d’avoir envie de faire ça dans la vie.
À quel moment avez-vous envisagé de devenir auteur pour le théâtre?
À la fin des années 40, je suis devenu portier bénévole au théâtre du collège et j’ai assisté à plusieurs reprises à la pièce de Gratien Gélinas, Tit-Coq, qui était un succès phénoménal. Ensuite, je suis devenu portier au théâtre des Compagnons de Saint-Laurent, où j’ai vu au moins sept fois la pièce complète Britannicus de Racine. Je trouvais ce spectacle-là extraordinaire. Tout cela, particulièrement la pièce Tit-Coq, m’a sûrement influencé quant à la possibilité d’écrire des pièces de théâtre de façon professionnelle.
Votre pièce Zone a été votre premier grand succès théâtral. Dans quel contexte l’avez-vous écrite?
J’avais 21 ou 22 ans et j’habitais le sous-sol chez mes parents. J’avais un peu écrit auparavant, mais seulement de petites choses comme des poèmes, c’est tout. Écrire du théâtre, c’est devenu pour moi une façon de gagner ma vie, je n’étais pas épris jusqu’aux tripes par le goût d’écrire. Il n’y avait pas de vocation chez moi. C’était simplement un besoin réaliste de gagner ma vie et je pense que c’est en ruminant beaucoup de choses sur la forme que prendraient mes dialogues que je suis arrivé à écrire des pièces. Cependant, je suis très content d’avoir su trouver un chemin qui fait en sorte que je gagne ma vie de cette façon.
À la fin de la première représentation de Zone, comment avez-vous réagi quand les rideaux se sont fermés?
C’est un sentiment que je n’ai jamais pu décrire. La salle était survoltée. Il y avait des applaudissements nourris. Les gens étaient debout. Les comédiens sont revenus saluer je ne sais combien de fois. J’étais heureux, mais je ne m’y attendais pas. Quand je suis rentré chez moi, il m’est arrivé quelque chose d’extraordinaire. Mon père, qui avait toujours vu d’une façon un peu malheureuse mon orientation professionnelle, est descendu me joindre dans ma chambre et m’a donné la main en pleurant. Il m’a dit : « Mon petit gars, tu peux te dire une chose : ce que tu as fait, tu l’as fait par toi-même, tout seul, sans notre aide. » C’est faux de dire qu’il ne m’avait pas aidé. Mes parents m’ont fait vivre toute ma jeunesse. J’aurais aimé lui répondre : « Moi, je vous admire. Toute votre vie, vous avez travaillé pour faire vivre notre famille et on ne vous récompensera jamais pour ça. »
Pendant plusieurs années, il n’y a eu que le théâtre dans votre vie?
J’ai écrit du théâtre année après année jusqu’en 1970 environ. C’est à ce moment que j’ai atteint ma pièce la plus complète selon moi, Au retour des oies blanches. Elle n’était pas parfaite, mais elle répondait aux normes de la tragédie, ayant unité de lieu, de temps et d’action. C’est peut-être ce que j’ai fait de mieux. Après, j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire une œuvre pour la télévision en huit demi-heures, qui s’appelait Entre midi et soir. J’avais mis beaucoup d’âme et de cœur dans ça.
Avez-vous déjà pensé faire la mise en scène de vos pièces?
Non, jamais. Je n’ai aucun talent de metteur en scène. Je serais trop collé au texte. Pour être un bon metteur en scène, il faut être capable de prendre du recul par rapport au texte pour entrevoir toutes les possibilités de la pièce. Par contre, je pense avoir été un homme de théâtre plus complet en ayant été le producteur de mes propres pièces. Le fait d’avoir été portier au Gesù m’a donné l’occasion d’en apprendre beaucoup sur le théâtre en général et de comprendre ce que produire une pièce représente. Je m’étais familiarisé avec les loges, les coulisses, la technique, les décors, les comédiens et l’ensemble de la production.
Après l’immense succès de Zone, vous avez vécu une sorte de dépression. Que s’est-il passé?
En fait, je ne savais plus comment m’orienter. Je savais que mon engagement au théâtre était définitif, mais je me demandais si je trouverais autre chose à dire. Finalement, ça a été comme ça, pièce après pièce, jusqu’au jour où j’ai eu peur de me répéter moi-même et que j’ai pris la décision d’arrêter. J’ai quand même eu la chance de travailler dans trois domaines à la fois : la télévision, la radio et la scène. Cela me permettait de me renouveler rapidement, de passer d’un médium à l’autre. J’ai aussi eu le privilège de voir mes pièces de théâtre reprises par la suite à la télévision, et vice-versa, ce qui a été pour moi d’un grand secours. Ça me permettait de faire double emploi.
Seriez-vous devenu écrivain à temps plein si la télévision n’était pas venue à vous?
C’est une très bonne question. Je n’aurais pas pu gagner ma vie en ne faisant que du théâtre. N’oubliez pas une chose : la radio a été aussi très importante pour moi. J’ai écrit des textes originaux pour de grandes émissions d’une heure à la radio. J’ai écrit des dramatiques et j’ai fait des adaptations pour la radio. J’ai fait une série de textes basée sur des légendes indiennes du Canada ou d’Amérique du Nord. On m’avait fourni des schémas, des résumés de ces légendes. J’en ai fait beaucoup.
Votre œuvre a-t-elle été influencée par des auteurs particuliers?
En ce qui concerne les auteurs français, il y en avait que j’admirais beaucoup, comme Jean Giraudoux. J’admirais sa prose de dramaturge. C’est un écrivain fantastique, Giraudoux. C’est un grand poète, c’est un théâtre de poésie. Ses pièces ont une dimension extraordinaire. J’aimais aussi beaucoup Anouilh, puisque Antigone est probablement la première pièce de théâtre professionnel que j’ai vue dans ma vie. Elle m’a beaucoup marqué. J’aime la lucidité qu’ont ses personnages lorsqu’ils constatent à l’avance qu’ils vont vers une certaine forme de décadence.
Vous avez écrit un nombre incalculable de textes pour la télévision. Était-ce difficile de répondre aux délais de livraison?
Comme auteur, il faut être capable de s’arrêter et de mettre un terme à un texte qu’on écrit. Selon moi, un texte n’est jamais fini. Par contre, j’ai eu l’occasion de réécrire plusieurs de mes textes. Quand les éditeurs m’approchaient pour les publier, je tenais à les retoucher. Prenez Marguerite Yourcenar, qui a écrit le chef-d’œuvre Mémoires d’Hadrien, elle l’a réécrit trois fois, je pense. Aussi, quand un texte conçu pour le théâtre est utilisé pour la télévision, il est nécessaire de faire d’importantes modifications. Donc il y a tout un travail de révision qui doit se faire.
Vous avez baigné dans l’époque des télé-théâtres à Radio-Canada et vous en avez écrit beaucoup. Quels souvenirs conservez-vous de cette période?
Cette époque du direct ne sera jamais remplaçable pour moi. C’était une époque extraordinaire. Faire du télé-théâtre en direct, ça m’apportait, à moi et à tous ceux qui étaient impliqués, un aussi grand trac que le théâtre sur scène. Vous n’avez aucune marge d’erreur et tout le monde – le caméraman, le réalisateur, le directeur technique, le régisseur – a le même trac, le même souci de performance. C’était merveilleux quand nous nous en sortions vivants!
Vous avez aussi écrit plusieurs téléromans, comme La côte de sable, De 9 à 5, La vie promise. Étiez-vous à l’aise avec ce format télévisuel?
Je ne l’étais pas, pour la bonne raison qu’à l’époque, nous ne pouvions faire que des demi-heures. La demi-heure, pour moi, c’est un casse-gueule. Vous avez à ouvrir une histoire et à la fermer en trente minutes. Toutefois, dans ce trente minutes, vous avez le foutu dix minutes de commandites, alors qu’est-ce qu’il vous reste? Il faut trouver du contenu qui intéressera le public dans ce peu de temps là. De plus, il y avait deux autres contraintes. Par contrat, il fallait s’engager à employer, en moyenne, deux comédiens par émission. Si nous en avions 13 dans une émission, il fallait en couper dans les émissions suivantes. C’était une comptabilité. L’autre contrainte, c’était les décors; nous avions droit à un certain nombre de décors qu’il ne fallait pas dépasser. Quand j’avais vraiment besoin d’un autre décor, je devais me contenter d’un décor déjà existant que nous transformions pour l’occasion. Ce n’était pas un ajout. Voilà les contraintes qui existaient à ce moment-là.
Les dialogues de vos œuvres sont reconnus pour leur efficacité et leur précision. Était-ce volontaire de votre part?
J’ai toujours écrit en me disant que le dialogue de théâtre doit être dynamique. Nous ne devons jamais utiliser un mot de trop. Il n’y a pas d’interjections dans mon théâtre, pas de « salut », « bonjour », de « hé! », de « oh! ». Chaque phrase possède un début et une fin. Aussi, j’aime beaucoup travailler sur la forme du dialogue; c’est-à-dire que les personnages s’engagent sur un sujet, il y a une distraction, puis ils reviennent un peu en arrière et reprennent le sujet. J’ai beaucoup travaillé cette technique-là pour éviter les dialogues ennuyants.
Pendant une longue période, de 1966 à 1977 environ, vous avez passé presque tout votre temps à l’hôpital en raison de la maladie de Crohn qui vous afflige. L’écriture était-elle présente malgré tout?
Oui, j’ai écrit entre autres un livre de poésie dont je suis très heureux, Poèmes de sable, qui a été publié en 1974, je pense. J’ai aussi écrit une pièce de théâtre, L’été s’appelle Julie. À la fin de cette période, j’ai aussi démarré le théâtre de l’Escale à Saint-Marc-sur-Richelieu. Je me suis occupé de lancer un théâtre qui fonctionne, avec des gens compétents, une billetterie, des téléphones et tout ce que cela implique. En 1976, j’ai cosigné une pièce avec Jean Barbeau pour la présenter à l’Escale. Ça a été ma façon de sortir des hôpitaux.
En 1995 à la Soirée des Masques, on vous a rendu un important hommage, avec la participation des comédiens qui incarnaient vos personnages à l’époque. Comment avez-vous réagi?
J’étais un peu étonné. Pour moi, travailler, c’est simplement un moyen de gagner ma vie. Pour le reste… Nous ne pouvons pas passer notre vie à nous contenter d’adulation, cela n’aurait aucun sens. Pour moi, ce n’est pas ça l’important. J’ai toujours été pris de gêne devant ces choses-là. L’important pour moi, c’est de faire un pas après l’autre, de continuer, de se concentrer sur le travail. Après l’écriture d’une pièce, je dois en écrire une autre ou écrire autre chose. C’est tout ce qui m’importe.
Selon vous, qu’est-ce qu’une bonne pièce de théâtre?
D’abord, c’est de créer de bons personnages qui ont des caractères précis et qui correspondent à tous les caractères humains que nous pouvons imaginer. Ensuite, il faut de bons dialogues et une bonne mise en scène. Parfois, mais pas tout le temps, le décor est aussi très important. Certaines pièces de théâtre peuvent se passer de décor, comme une tragédie grecque, par exemple. Finalement, ça prend une unité d’action, sans trop de diversions.
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Extraits Vidéo
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