Denise Filiatrault
Parcours de vie
- Nom Complet :
- Denise Filiatrault
- Date de naissance :
- Lieu de naissance :
Montréal
- Enfants :
Sophie Lorain, Danièle Lorain
- Professions :
La mort d’un bûcheron; Il était une fois dans l’est; Gina; Les Plouffe; Laurence Anyways; Moi et l’autre; Les belles histoires des pays d’en haut; Les tisserands du pouvoir; Au nom du père et du fils
- Réalisations :
C’t’à ton tour, Laura Cadieux; Laura Cadieux… la suite; L’odyssée d’Alice Tremblay; Ma vie en cinémascope
- Scénarisation :
Chez Denise; Le 101 ouest, avenue des Pins; Denise… aujourd’hui; Moi et l’autre
- Mises en scène récentes :
Cabaret; La visite de la vieille dame; My Fair Lady; Sweet Charity; Un violon sur le toit; La mélodie du bonheur; Les fourberies de Scapin; Chantons sous la pluie; Hairspray; Sister Act
- Prix et récompenses :
Prix Victor-Morin, Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle, Officière de l’Ordre national du Québec, prix Jutra, Compagne des arts et des lettres du Québec
- Biographie :
Quand t’es née pour un p’tit pain
Biographie
Franche, directe, colorée, impatiente et incontestablement bourrée de talent : voilà l’image que beaucoup de Québécois ont de Denise Filiatrault. Présente dans le paysage culturel de la province depuis une soixantaine d’années, elle a su prouver avec le temps qu’elle sait porter de nombreux chapeaux.
Elle entame sa carrière comme chanteuse, puis comme artiste de cabaret, notamment au sein du Beu qui rit, la troupe de Paul Berval – des années formatrices qui la mènent à la télévision. Plusieurs des émissions auxquelles elle prend part, qu’il s’agisse des Belles histoires des pays d’en haut, de Moi et l’autre et des Bye bye, marquent le Québec. Elle écrit pour la télé (Chez Denise) et monte sur scène pour jouer du Tremblay, puis elle s’aventure au cinéma en interprétant entre autres des rôles marquants pour Gilles Carle.
Se réinventant sans cesse, elle s’adonne à la mise en scène, s’attirant des critiques dithyrambiques et faisant fureur auprès des amateurs de théâtre. Autre corde à son arc : la direction artistique du Rideau Vert depuis 2004. Aujourd’hui octogénaire, Denise Filiatrault pose un regard lucide sur une carrière fructueuse qui est loin d’être terminée.
Photographies

La petite Denise

Denise, jeune fille

Denise Filiatrault et ses parents

Denise commence sa carrière en chantant dans les cabarets.

Les débuts de la télévision. Denise Filiatrault chante à l’émission Hello Toronto… Ici Montréal

Dans Moi et l’autre, une série écrite par Denise Filiatrault et Dominique Michel, fin des années 60.

Dans la pièce Trois petits tours de Michel Tremblay, 1971

Blanche Bellefeuille dans La mort d’un bûcheron, de Gilles Carle, en 1973

Chez Denise, une série humoristique scénarisée par Denise Filiatrault

En duo avec Dominique Michel, sa complice sur scène pendant plusieurs années

Moi et l’autre, 1970

Moi et l’autre, 1970

Entrevue Magazine
Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance?
J’ai eu une enfance excessivement heureuse, avec des parents qui m’adoraient, me gâtaient, me choyaient et m’aimaient, surtout. J’ai été élevée sur ce qu’on appelle aujourd’hui le Plateau-Mont-Royal, sur la rue Cartier. J’avais des amis qui m’aimaient beaucoup. C’était la joie de vivre, on avait du plaisir. J’ai adoré ce quartier.
Vous avez fait vos premières armes dans le métier très jeune?
Oui, quand j’étais petite fille. Je faisais déjà de la mise en scène sans savoir que c’en était. Je montais les pièces de la comtesse de Ségur dans ma cour. Les malheurs de Sophie, Les petites filles modèles… À l’entracte, je prenais mes souliers de claquette et je dansais. J’avais fait poser des fers à mes chaussures par le cordonnier. Je faisais un peu de tout parce que j’aimais déjà faire un peu de tout. Je dirigeais les autres petites filles et je jouais aussi dans les pièces. Elles ne comprenaient rien, elles oubliaient leur texte, donc je leur donnais leurs répliques. Maman me sortait des draps blancs pour que j’en fasse des rideaux de scène.
Pourtant, vous avez décidé plus tard de devenir secrétaire.
Oui, parce que mes parents, à l’époque, croyaient que faire ce métier-là n’était pas évident. Ma mère, ça l’amusait, mais mon père ne trouvait pas ça drôle. Il voulait que je devienne sténographe à la cour. Donc, on faisait à l’époque un cours commercial ou un cours classique, ce qui était plus rare. C’était pour les filles bourgeoises et, pour moi, il n’en était pas question. Alors, pour faire plaisir à mon père, j’ai suivi ce cours et je suis devenue sténographe à l’Impôt sur le revenu. J’avais 15 ans quand je suis arrivée là. J’ai menti sur mon âge et j’ai dit que j’avais 17 ans. Ma mère était contente parce que j’avais une bonne paie. Je suis restée là pendant trois ans.
Vous étiez appelée ailleurs…
Oui : je courais les concours, comme le dit la chanson de Charlebois. Je courais tous les concours amateurs. Quand il y a eu un concours de Miss Cinéma, en 1950, organisé par Le Petit Journal, j’y ai participé. On avait déménagé à Saint-Eustache-sur-le-Lac à l’époque. Je crois que 500 jeunes filles ont participé à ce concours, et je me suis classée parmi les 16 finalistes. C’est là qu’ils m’ont fait chanter. Ils nous ont ensuite amenées au Faisan doré, une boîte tenue par la pègre, et j’avais chanté après le spectacle. Les gens me trouvaient formidable, la jeune fille qui est dans la salle et qui monte sur scène. Ils m’ont engagée. C’était loin de chez moi et je devais m’y rendre en taxi. Tous mes cachets y passaient!
Avez-vous eu du succès?
Ça ne marchait pas. Quand j’ai été engagée et que les gens payaient pour venir me voir, ils ne m’aimaient plus. Je n’étais pas bonne, je ne connaissais pas ce métier, puis c’était trop dur. Il y avait des chanteurs et chanteuses français qui passaient là et ils étaient très bons. J’étais la parente pauvre du spectacle. J’avais signé un contrat de trois mois et ils m’ont gardée un mois. Ça s’est terminé comme ça, mais heureusement, juste avant d’être renvoyée, j’ai rencontré Jacques Laurin – qui allait devenir mon mari – peu après. Il est parti en tournée et il m’a amenée avec lui. Il m’a appris mon métier.
Vous n’avez donc pas aimé cette première expérience?
J’haïssais ça pour tuer! Je n’aimais pas faire du cabaret. Ce n’était pas intéressant : les gens parlaient dans la salle, ils buvaient… C’était très, très dur. Mais je préférais cela à mon travail de 9 à 5 pour l’Impôt sur le revenu. Il y avait très peu de théâtre à l’époque. Il n’y avait rien. Chanter était la chose la plus facile pour faire ce métier-là, car on ne pouvait pas dire qu’on allait faire du théâtre ou du cinéma. La télévision n’existait pas encore. J’ai fait du cabaret-théâtre plus tard, où c’était plus intéressant. On faisait des sketchs, des numéros drôles... C’est là que j’ai appris à écrire pour la scène. C’était formidable parce que, comme la télévision commençait, les réalisateurs cherchaient des numéros de variétés et des gens qui faisaient ce métier-là.
C’est comme ça que vous vous êtes retrouvée à la télévision.
Noël Gauvin, le réalisateur d’une émission qui s’appelait Music-Hall, était venu nous voir au cabaret. Ça faisait un an qu’on écrivait des sketchs et qu’on les jouait. Moi, je faisais partie de tous les sketchs qu’on avait, alors quand il a tout acheté, je me suis mise à passer à la télévision tous les dimanches soirs. C’était merveilleux et, pour le cachet que ça donnait, on était bien contents. Ça payait mieux que de faire du cabaret. C’est là que la femme de Claude-Henri Grignon m’a vue. Elle a dit à son mari : « Tu cherches quelqu’un pour jouer la Grand’ Jaune (Délima). C’est cette fille-là. » Donc, on m’a demandé d’aller auditionner. Je ne voulais pas y aller : j’étais enceinte de six mois. Mon mari m’a encouragée à y aller et je l’ai jouée pendant neuf ans!
Vous avez donc appris à jouer véritablement plutôt qu’à faire de la comédie…
Oui, mais attention : faire de la comédie, c’est plus difficile que de jouer des choses dramatiques. Puis ça, tout le monde vous le dira; il faut remettre les pendules à l’heure. Il y a une question de timing dans la comédie. Il faut que ça vienne de l’intérieur encore plus, et tu ne peux pas tricher. Tu l’as ou tu ne l’as pas. Ça sort ou ça ne sort pas. Il faut être vrai. Si tu n’es pas vrai et que tu en mets trop pour ne rien faire, bien ça ne sera pas drôle. Plus tu en mets, moins c’est drôle; ça, c’est sûr.
Est-ce dans les cabarets que vous avez rencontré Dominique Michel?
Non, c’est avant ça. C’est mon mari qui nous avait présentées après avoir fait un gala à Rouyn-Noranda. Il m’avait dit : « J’ai rencontré une jeune chanteuse drôle avec qui tu pourrais faire un bon duo. Je vais te la présenter. » Je ne savais pas ce qu’elle faisait, je ne la connaissais pas. Ça n’a pas cliqué lors de la première rencontre, mais on s’est bien entendues pour travailler. On n’a jamais été amies véritablement : on était des compagnes de travail. On n’avait pas les mêmes goûts. Alors, elle avait ses amis, et moi les miens. On s’entendait bien pour travailler, mais sorties de là, on avait chacune des vies très différentes. En plus de 60 ans de métier, j’ai travaillé avec elle pas plus de 10 ans.
Vous avez été des précurseures dans le domaine, ici.
C’est sûr, à cette époque, il n’y avait pas de femmes drôles. C’était rare dans le monde entier. Les femmes n’osaient pas faire les choses comiques. Là-dessus, Dominique est allée beaucoup plus loin que moi. Je n’avais pas le talent qu’elle avait non plus pour être drôle comme elle l’était. J’avais peut-être autre chose, mais pas celui-là. À l’époque, le métier était dur et n’était pas reconnu pour des femmes. Imaginez-vous : des femmes comiques! Si on avait fait cette carrière aux États-Unis, on serait devenues multimillionnaires. Mais non.
Comment est arrivé Moi et l’autre?
C’est Jean Bissonnette et Gilles Richer qui nous ont présenté ça : un projet de deux filles qui vivent en appartement. On a vu un premier texte qui n’était pas très bon. Dominique ne se reconnaissait pas là-dedans. Moi, je m’en foutais : jouer ça ou autre chose… mais elle avait raison. Alors, j’ai dit à Dominique : « Les personnages manquent de jus. Pourquoi on ne fait pas nos personnages du cabaret? Pourquoi on n’écrit pas des choses qui nous arrivent dans la vie ou qu’on a vues arriver à d’autres? » Alors, on s’est mises là-dessus toutes les deux. On a commencé à écrire, puis on a présenté les textes aux dirigeants. Et Jean Bissonnette a dit : « Oui, ce genre de sitcom-là, je le fais n’importe quand! »
Alors, vous créiez le contenu?
On travaillait comme « idea women », mais on n’avait pas le droit d’avoir notre nom à l’écran. Moi, j’y tenais vraiment parce que je me disais : « Un jour, je vais vouloir écrire, puis on ne me croira pas que je sais le faire. » Dominique, ça ne l’intéressait pas. Alors, moi, je suis allée brailler à la direction de Radio-Canada. Ils n’ont jamais voulu! Jamais! Ça ne m’a pas rendue de bonne humeur! J’ai commencé à me dire : « Il ne faut pas qu’on se laisse faire parce qu’on est des femmes », mais ce n’était pas évident, à l’époque, de mettre son pied à terre. La preuve, c’est qu’ils m’ont laissée tomber; ils n’ont jamais voulu et ce n’était pas honnête. On les signait, ces textes-là.
Plus tard, au cours des années 80, vous êtes devenu quelqu’un qui a de la vision, qui fait de la mise en scène…
J’avais envie de travailler derrière la caméra plus que devant. J’aimais ça, vraiment. Moi, jouer tous les soirs, m’habiller, me maquiller, me coiffer, me déshabiller, me rhabiller, me mettre une perruque… ça me tapait sur les nerfs. Je préférais les répétitions, le travail avant d’être sur scène. C’est à Michel Rossignol que je dois ça, parce que je travaillais à Paris, au théâtre, et il est venu me voir. On parlait de métier et il m’a dit : « Tu connais ça pas mal. Viendrais-tu donner des cours de comédie à l’École nationale? » Alors, j’ai commencé à travailler avec des étudiants. Puis j’ai souvent été dirigée dans ma vie par des gens qui n’étaient pas très bons, qui ne connaissaient pas leur affaire, et ça me fatiguait beaucoup. À un moment donné, tu te dis : « Bon, si je le fais moi-même, au moins, si je me trompe, ce sera mon erreur. »
Avez-vous été prise sérieusement lors de vos premières mises en scène?
Sûrement pas très sérieusement, puisque je venais du music-hall, mais je pense que ça a changé avec le temps. J’espère! Je suis encore là : le public vient me voir, vient voir mes pièces. Donc, je dois faire quelque chose de correct. Je peux me tromper, comme tout le monde, mais je fais ce que je peux, avec le talent que j’ai. Je ne me suis jamais prise pour Robert Lepage, que j’admire et qui est mon idole. Ce que je fais est moins compliqué, moins gros. Mais j’essaie d’avoir une vision. On ne peut pas faire de la mise en scène si on n’a pas de vision. Je suis assez fatigante là-dessus parce que j’y tiens, à ma vision, même si je me trompe!
Avez-vous été la cible de critiques? La critique vous faisait-elle peur?
Ce n’est pas qu’elle me faisait peur, mais c’est que, un critique qui connaît son métier, tu te tais et tu l’écoutes. Mais quand c’est quelqu’un qui parle à travers son chapeau, il faut le remettre à sa place, un instant. On a beaucoup critiqué Joue-le pour moi, Sam, alors que c’était dans mes cordes et que c’était bien monté. On aime ou on n’aime pas, mais on m’avait dit : « Ce n’est pas comme le film »! Bien non, c’est niaiseux : le film, c’est le film, et la scène, c’est la scène! Ça m’avait choquée. Si tu ne connais pas ton métier, n’en parle pas, c’est tout. J’ai dû m’en remettre parce que je suis toujours là, et je suis bien contente d’être encore là!
Qu’est-ce qui vous anime encore après une si longue carrière?
Je suis une travailleuse, moi; je n’ai pas de génie. J’ai du travail. J’aime le plaisir du devoir accompli, le plaisir de voir sur scène ce que j’ai dans ma tête, dans mon cœur. C’est tout. Je veux toucher à tout, je veux tout voir. Puis, quand je l’ai, j’aime ou je n’aime pas, mais je veux passer à autre chose. Je ne veux pas me complaire, m’installer. Je voudrais aussi laisser quelque chose de bien à mes enfants.
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Extraits Vidéo
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Denise Filiatrault relate les débuts la grande aventure de Moi et l’autre. 0:39 min
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Denise Filiatrault parle de l’enseignement de comédie et de la mise en scène. 0:46 min
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Denise Filiatrault doit faire une entrevue avec Michel Tremblay, mais c’est ce dernier qui lui pose les questions. 1:03 min